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Le monde théâtral est dans un légitime
émoi. Il s'agit, par suite d'événements divers et
qui ne dépendent pas tous les uns des autres, de pourvoir simultanément
à la direction de trois théâtres d'Etat sur quatre.
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La retraite de M. Jules Claretie, administrateur de la
Comédie-Française, entraîne la nécessité
de lui choisir un successeur. Depuis un mois, beaucoup de noms ont été
mis en avant. Aujourd'hui, le choix du ministre des Beaux-Arts
s'est arrêté sur celui de M. Albert Carré,
directeur de l'Opéra-Comique. Pour succéder à
M. Albert Carré, M. Louis Barthou a désigné
MM. Emile et Vincent Isola, directeurs
actuels de la Gaîté-Lyrique, auxquels il adjoint
M. Gheusi, ancien co-directeur de l'Opéra,
avec M. Gailhard.
--- Les nouveaux directeurs de l'Opéra-Comique
ont choisi M. Paul Vidal, premier chef d'orchestre de
l'Opéra, comme directeur de la musique.
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Nous ne pouvons laisser partir M. Jules Claretie
sans lui témoigner les sentiments que nous inspire sa retraite.
Depuis vingt-huit ans, l'éminent administrateur du Théâtre-Français
a donné les preuves d'une activité qui ne s'est jamais démentie,
il a témoigné d'un souci constant de mener par ses ordinaires
sentiers glorieux, la grande Maison au noble but qu'elle poursuit sans
cesse. Son administration s'est manifestée au milieu de luttes
constantes que son aménité, sa bonté unanimement
reconnue, ses qualités supérieures de diplomate avisé
ont toujours réussi à aplanir. En quittant la Comédie,
M. Jules Claretie n'y laissera certainement que des regrets,
et le public lui a déjà témoigné par la plus
flatteuse et la plus spontanée des ovations le soir de la réouverture
en quelle estime affectueuse il tenait le bel artiste et le sage directeur
qu'il contraignait, en dépit de sa modestie, à comparaître
devant lui au milieu des membres de l'illustre compagnie.
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M. Albert Carré qui va quitter l'Opéra-Comique
après plus de quinze ans de direction glorieuse a, lui aussi, depuis
longtemps, conquis la faveur du public. Non seulement il est assuré
de la sympathie des musiciens qui ont rencontré sous sa direction
le réconfort le plus agissant et l'aide la plus efficace, mais
il a gagné à sa cause l'opinion tout entière, ce
qui est d'un poids considérable à une époque comme
la nôtre. Ses qualités artistiques et administratives auront
l'occasion de s'exercer dans le poste éminent qu'il va occuper
désormais, et comme on l'a dit, c'est là pour lui le plein
épanouissement et le digne couronnement d'une brillante carrière.
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Les frères Isola sont, eux aussi, des sympathiques
au sens absolu du mot. Administrateurs avisés,
ayant en même temps que le sens des choses
d'art dont ils ont à la Gaîté-Lyrique
donné de si nombreuses preuves, ils possèdent au plus haut
degré le flair des affaires. Leur
chance qu'on s'est plu à vanter, peut-être avec quelque exagération,
est, en somme, le résultat d'un travail
des plus louables et d'une application
continue.
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Que les deux frères aient été servis par un destin
favorable, rien n'est plus évident, mais si le ciel les a aidés,
il faut reconnaître que par leur courage inlassable
et la sagesse de leurs décisions,
ils ont commencé par s'aider eux-mêmes.
Nous saluons avec joie leur entrée à l'Opéra-Comique
où ils sauront, s'inspirer des traditions excellentes de leur prédécesseur.
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Le fin lettré et l'habile administrateur qu'est M.Gheusi,
a déjà donné sa mesure lorsque l'amitié et
la confiance de M. Gailhard l'ont désigné
jadis au choix du ministre pour devenir son collaborateur le plus intime
à l'Opéra. Le choix fait par M. Louis Barthou
sera bien accueilli par tout le monde et ajoutera encore à la légende
de l'heureuse étoile des frères Isola.
--- Quant à la direction de l'Opéra,
les bruits les plus divers circulent. Nous sommes en bonne posture pour
déclarer qu'aujourd'hui vendredi 17 octobre, ils ne reposent uniquement
que sur des hypothèses, et que rien, absolument rien, n'est encore
décidé.
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