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Avant-hier sur le coup de minuit, Emile
et Vincent Isola sont redevenus les prestidigitateurs dont
s'émerveilla notre enfance. Soirée triomphale où
se mêlait pour eux à la mélancolie des vieux souvenirs,
l'émotion d'une jeunesse retrouvée.
---- C'est un cas sinon unique du moins
très rare de revenir en arrière à une époque
où l'on ne
songe qu'à aller de l'avant. Il faut plus de courage encore que
de philosophie pour s'y résigner. Peu de gens, en effet, dans
la foule indifférente, sont susceptibles de comprendre ce qu'un
tel sacrifice comporte d'espoirs, déçus, de secrètes
amertumes et de sentiments froissés.
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Nous étions, dans la salle, quelques-uns on n'ose pas
les compter qui évoquions les péripéties de l'étonnante
carrière des « frères » Isola.
Nous nous rappelions cette petite scène des Capucines où
derrière une table recouverte d'un tapis de velours ils faisaient
pleuvoir des pièces de cent sous dans un chapeau de soie et escamotaient
des spectateurs qui s'étaient prêtés au rôle
de comparses. Et quel public Des têtes bouclées, des mères
ravies et des vieux messieurs au milieu desquels surgissait parfois
la puissante carrure de Lucien Guitry; il accompagnait
un petit garçon qu'il appelait Sacha.
---- Mais dans l'exercice de leur métier,
ces distributeurs d'illusions avaient fini par concevoir des ambitions
plus hautes. Ce n'était pas pourtant la grande aventure parisienne
qui les attirait ce qui les tentait, c'était d'expérimenter
au théâtre leurs facultés
d'illusionnisme, de réaliser des mises en scènes
somptueuses, de parer le manteau d'Arlequin de toutes les fantaisies
de leur imagination.
---- Ils étaient
hardis, ils avaient du goût
ils allaient, pendant quarante années, diriger successivement
plus de trente scènes et y dépenser sans compter leur
énergie, leur ingéniosité
et leur fortune. On les aimait parce qu'ils étaient généreux,
pitoyables et justes.
Dans ce
monde des théâtres où souvent l'âpreté
des envieux ne pardonne pas au succès, ils avaient trouvé
le moyen se souvenant peut-être qu'ils avaient été
prestidigitateurs de se glisser à travers les mailles de la méfiance,
de la jalousie et de la rancune. Tenir la rampe pendant plus d'un demi-siècle
est un métier dur pour peu que les catastrophes économiques
s'en mêlent. Aussi, un beau matin, Emile et Vincent se retrouvèrent-ils
face à face comme jadis, sur un banc des Tuileries, en se demandant
« Que faire ? » La crise du théâtre les avait
ruinés.
----
Ils se souvinrent alors du petit garçon qui, autrefois,
les applaudissait avec tant de ferveur au théâtre des Capucines.
- Allons consulter Sacha, dirent-ils.
Sacha n'hésita pas :
- Si mon père, qui vous appréciait, vivait encore, leur
répondit-il, il vous dirait : Revenez à votre premier
métier, vous y trouverez encore des satisfactions et des succès;
puis vous aurez quarante ans de moins !
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Les Isola se récrièrent. Reprendre la fameuse baguette,
les trucs démodés, créer l'illusion quand on n'en
veut plus, retrouver la souplesse, la rapidité, le « bagout
» indispensables. Impossible.
- Réfléchissez, insista l'auteur de Mozart, décidez-vous
et repassez.
---- Lorsque les Isola furent revenus de
leur stupeur et de leur effroi, ils jugèrent sagement que le
conseil de Guitry n'était pas, après tout, si fou qu'il
leur avait semblé d'abord. Ils retournèrent donc chez
Sacha qui jouait à ce moment Mon père
avait raison, au théâtre de la Madeleine.
Ils se présentèrent un peu émus dans sa loge.
- Sacha, votre père avait raison, leur annoncèrent-ils.
- Bravo ! Travaillez pendant quelques mois et laissez moi faire je serai
votre parrain.
Les frères Isola se mirent à l'œuvre.
Ils se passionnèrent pour leur métier retrouvé
et réussirent à découvrir des numéros inédits.
Désormais ils vont reprendre la vie errante des donneurs d'illusion.
Je ne connais pas d'histoire plus émouvante ni plus pathétique.
René Lara
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souce
Gallica
C'est un gala
qui n'a déçu personne : c'est rare. Et Sacha Guitry
qui le composa et s'y dépensa peut être fier d'avoir
réussi à ressusciter un des plus beaux soirs de Paris, un
de ces soirs brillants où les femmes avaient le souci d'être
belles et admirées, où les hommes prenaient le temps de
ne point négliger leur tenue.
Lorsque se leva le rideau, la scène de l'A.B.
C. présentait à la fois, sur deux rangs, assis
et debout, tout ce que le théâtre et le music-hall comptent
de vedettes. Tous portaient sur le visage un masque qui, à vrai
dire, ne trompait personne et qu'ils retiraient à l'appel de leur
nom.
Et Sacha,
assisté de Jacqueline Delubac, qui faisait ingénument
jaillir des fleurs d'un plateau, commença de créer l'illusion.
Ses tours de passe-passe, il les faisait avec un art qui semblait le surprendre
lui-même.
— C'est à ne pas croire, disait-il en faisant disparaître
un mouchoir ou une pièce de cent sous, une véritable, un
objet bien rare.
A CHACUN SON « TOUR »
Et c'est ainsi que Max Dearly, dont l'orchestre couvrait
à dessein la voix, fit tomber dans un seau, puis passer dans un
autre, des pièces mystérieuses. C'est ainsi que Pauley,
armé d'une casserole à couvercle, transforma un bout de
fourrure en deux petits lapins, renversant l'ordre naturel des métamorphoses.
C'est ainsi que Saint-Granier, utilisant comme médium
Marguerite Moreno — ou plutôt Mme Morenoski
— transmit sa pensée dans l'espace. Touchant l'épaule
d'une spectatrice, il demanda à sa voyante qui elle était.
— Je vois, répondit Mme Morenoski, des paillettes, des paillettes,
des plumes, des plumes.
— Vous ne voyez pas un escalier ?
— Oui, un escalier, des escaliers, des quantités d'escaliers.
Je n'ai pas besoin de vous
dire que cette spectatrice était Miss.
Victor Boucher expliqua,
lui, ce qu'il aurait fait s'il avait eu ses accessoires. Jean
Weber, qui pourrait faire en professionnel ces tours de magie
blanche, sut joindre l'adresse la plus exacte à la plus charmante
élégance. Dorville et Parisys,
Gaby Morlay, Pauline Carton, Rosine
Deréan, Arletty dans un ravissant costume
d'Eaton jouèrent miraculeusement de la baguette magique.
Et Maurice Chevalier jongla tout en blaguant tout en
disant ce que d'après lui les autres auraient pu faire pour pousser
l'originalité jusqu'à ses limites. Puis la musique attaquant
en sourdine, il chanta quand même Quand un vicomte, bien qu'il eût
promis de ne pas chanter. Et puis naturellement la salle ne voulut plus
le laisser partir, alors il chanta Prosper.
Mayol aussi chanta. Il m'avait dit la veille:
— Puisqu'il faut faire un tour, j'escamoterai mon toupet.
Mais sans doute, après l'avoir fait disparaître, les Isola
le lui avaient-ils replacé subrepticement sur la tête, car
il l'avait.
Tristan Bernard
improvisa un quatrain avec comme rimes : Patrie, arrivé, tyrannie,
levé.
Et ça ne ressemblait pas du tout à la Marseillaise, mais
il paraît que c'était un peu truqué d'avance.
Fréhel, Damia et Missia,
en chanteuses des rues, entonnèrent en chœur : "Sois
bonne, ô ma chère inconnue", sous une
pluie de pièces d'argent qui tombaient d'un peu partout.
LES ISOLA
Et enfin les Isola
parurent avec l'émotion qu'on devine et qu'ils ne cherchaient pas
à dissimuler. Ils firent leurs tours dont je ne parlerai pas puisque
vous les verrez bientôt sur cette même scène. Émile
et Vincent ainsi
que Mme Vincent Isola, leur gracieuse aide, ont reçu
cette nuit, en plein visage, le souffle chaud, ardent et généreux
d'un public qui n'a rien oublié des belles heures qu'il leur doit.
Que dire de la salle, sinon
qu'on y reconnaissait les visages familiers de ceux qui font les grands
soirs de Paris ? Je ne peux que citer au hasard Marie Lecomte,
Marguerite et Jenny Carré, Huguette Duflos,
Diana, Blanche Montel, Marie
Bell, Jean-Pierre Aumont, Claude Dauphin,
Maurice Escande, Robert Trébor,
Henri Varna, Max Maurey et encore André
Magre, secrétaire général de la Présidence
de la République et M. Jean Prouvost, directeur
général de Paris-soir.
A 3 h. 1/2 du matin,
le rideau tomba. Il ne s'agissait plus que de
faire disparaître le public et apparaître les taxis.
JEAN
BAROIS.
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LES
ISOLA
Liberté le 8 octobre
1936
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On m'avait dit : « Les Isola sont ruinés »
; on me l'avait assuré : je ne l'avais pas cru. Je suis bien obligé
de le croire, aujourd'hui qu'ils ont repris leur première profession
sur la scène de l'un de nos music-halls, devant le Tout Paris auquel
ils appartiennent toujours et auquel ils appartiendront jusqu'à leurs
derniers jours, ou jusqu'aux derniers jour du Tout Paris lui-même...
On ne sait jamais... Par les temps que nous vivons.
Dans quelques jours, donc, nos fils
pourront applaudir des illusionnistes du nom d'Isola, que nous avions applaudis
nous-mêmes il y a une trentaine d'années. La prestigieuse carrière
qu'ils ont aujourd'hui derrière eux, les attendait alors. Ils allaient
être, ils ont été, les directeurs heureux de quelques-uns
de nos plus beaux théâtres : de l'Opéra-Comique,
de Sarah-Bernhardt, de Mogador. Nous conterons cela à
nos fils en regardant Vincent escamoter son frère.
Quelle leçon dans cette destinée, qui, au reste, nous réserve
peut-être encore des surprises ! Et quelle leçon nous donnent
ces deux hommes ! Car il faut, voyez-vous, dirons-nous à nos enfants,
du cran, du courage, une singulière bonne volonté pour faire
ce qu'ils font aujourd'hui. |
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l'Opéra-Comique
aux alentours de 1900 |
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Quelle leçon dans cette destinée
!
Leur fortune, leur succès,
les frères Isola les devaient à leur travail,
à leurs dons d'animateurs, à leur connaissance du public,
à leur audace ; ils les avaient, par conséquent, gagnés
et mérités. Un coup de crise les leur enlève. Quel
illusionniste que ce Paris dont ils ont fait courir les foules pendant
des mois, pendant des années à ce théâtre Mogador
qu'ils avaient relevé, qu'ils avaient remis en vogue en y montant
des spectacles qui, pour n'être pas, à mon sens du moins,
ce que l'on peut concevoir de mieux, n'en étaient pas moins de
nature à relever le goût du grand public... Rose-Marie,
l'Auberge du Cheval Blanc, Mandrin
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Le théâtre
Sarah Bernhardt en 1900 |
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Un coup de
baguette magique, mais de magie noire, et voilà nos deux frères
redevenus ce qu'ils n'avaient plus été depuis trente ans.
Et comment ne pas songer aux
millions que ces deux inséparables prestidigitateurs firent sortir
de leurs caisses au bénéfice des pauvres, entre les Capucines
où ils débutèrent, et l'A.B.C. où
ils recommencent... L'Assistance publique sait que ce n'était pas
là de... l'illusion.
DURTAL
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Source
Gallica de la Bnf
"Le Figaro" du 8 octobre 1936 |
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L’autre nuit, quand, vers heures du matin, les Isola, parurent,
en habit, sur la scène de l'A. B. C., un grand mouvement traversa
la salle, de l'orchestre au balcon. Tout le monde, debout, acclamait ceux
qui allaient, pour la première fois, recommencer en public le numéro
qu'ils exécutaient il y à quarante ans.
---- M. Vincent Isola, de
cette voix un peu métallique que nous avions entendue si souvent
pendant les répétitions à Mogador, donner des indications
de mise en scène, présentait le numéro, tandis que
son frère, une lampe électrique à la main, montrait
qu'aucun des appareils n'était truqué.
---- Ce ne sont pas
des exercices de jonglerie qu'exécutent, les Isola, ce sont des
expériences beaucoup plus saisissantes auxquelles
collaborent Mme
Vincent Isola (note) surgissant miraculeusement,
radieusement jeune et blonde, en crevant les parois de papier d'un grand
cube magique. On l'enferme dans un sac, le sac est mis dans une malle
cadenassée, sanglée, scellée; mais il suffit de tirer
les rideaux d'une sorte de grand baldaquin rouge pour que la prisonnière
soit en liberté, et qu'à sa place dans le sac au fond de
la malle, quand on a levé le couvercle, après avoir fait
sauter sangles et cadenas, on trouve, les cheveux un peu ébouriffés,
M. Emile Isola lui-même.
---- D'autres expériences du même
genre furent exécutées avec la même sûreté
en présence de trois témoins pris dans la salle. En l'espèce,
l'autre nuit, Pauley,
Jean-Pierre Aumont et Claude Dauphin.
---- A la fin de leur numéro, les
Isola, sous les applaudissements, furent embrassés par M. Sacha
Guitry, et M. Goldin
les engagea à l'A. B. C. Mais cela nous le savions déjà.
A chacun son tour
---- Le gala avait
un caractère familial et bon enfant qui changeait heureusement
de tant de galas officiels. Le rideau se leva sur une belle assemblée
de vedettes masquées qui, à l'appel de leurs noms, levaient
leur masque. Chacune, le plus gentiment du monde, s'essaya à un
tour de prestidigitation il n'était pas absolument nécessaire
de le réussir, et le succès alla aussi bien à Jean
Weber qui présenta un numéro de véritable
professionnel, qu'à Victor Boucher
qui expliqua le tour qu'il aurait: fait s'il n'avait pas égaré
ses appareils ou à Dorville qui, après
avoir cassé des œufs dans un chapeau emprunté à
un spectateur, dut laisser en plan cette omelette improvisée. Sous
prétexte de tours de passe-passe, que d'aimables tours imaginèrent
Michel Simon et Pauline
Carton, Saint-Granier et Moreno
et Jacqueline Delubac, et Arletty
en collégien d'Eton, et Parysis,
Gaby Morlay, Max Dearly,
Pauley.
Tour de chant
---- Quant à
Mayol, il chanta Cousine, et Di
Mazzei un air napolitain, et Jacqueline Francell
du Claude Pingault.
Maurice Chevalier commença bien par
jongler, mais après un boniment d'un Damia,
Fréhel et Missia,
en interprétant, en chanteurs de cour Sois bonne, ô ma
chère inconnue, firent pleuvoir sur la scène des pièces
et des sous, que leur lançaient, des loges et des fauteuils, les
spectateurs, parmi lesquels Huguette Duflos,
Mistinguett, Blanche
Montel, Marie Lecomte, Marie
Bell, Diana, Regelly,
Escande, Max Maurey,
André Magre, Henri
Varna, Jean Prouvost, Pierre
Laffite, etc., etc.
Un triangle et un quatrain
---- Sacha
Guitry traça un triangle et raconta l'histoire
de deux petits garçons de Blidah : A, qui vinrent à Paris
B, dirigèrent sept théâtres, laissèrent 36
millions à l'Assistance publique et c'est pourquoi tous leurs amis
sont ce soir à l'A. B. C.
Il se trouva que les rimes lancées à Tristan
Bernard, pour son quatrain improvisé, étaient celles
de la Marseillaise. Son quatrain ne fut cependant que relativement guerrier,
souvenir de son service militaire |
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Dans ces temps où,
dragon, je servais la patrie,
Le funeste moment du réveil arrivé,
Je savais me soumettre à cette tyrannie,
Mais j'étais le dernier levé. |
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* La jeune et blonde Madame Vincent Isola,
troisième du nom, alors agée de 23 ans était
Christiane Yvette Mangeard mariée à Vincent le
12 juillet 1935, surnommée "la reine
Christiane" par Sacha Guitry lui même.
Ephémere comédienne, elle interprèta le rôle
de Noun dans la pièce "Indiana"
jouée au théâtre Sarah Bernhardt pendant la saison
1935~1936. Les "jeunes époux" divorcèrent en 1937
!
---- Le
matin 26/10/1935
: Mme Vincent Isola, qui avait décidé depuis quelque
temps de paraître sur la scène, fera ses débuts, au
théâtre Sarah-Bernhardt, dans le rôle de la petite
indigène d’Indiana, la pièce de M . Charles Méré.
Ajoutons que Mme Vincent Isola jouera sous le nom de Reine-Christiane,
M. Maurice Chevalier l’ayant baptisée au cours d’un
souper présidé par Rip
retour
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