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Il était une fois un jeune italien de seize
ans, qui naviguait à bord d'une goélette allant de
Gênes en Afrique et qui, pris par des pirates arabes, eut
le poignet sectionné. Livré comme captif au sultan,
il le ravit par son esprit et, séduit, celui-ci lui rendit
sa liberté après lui avoir fait faire une main en
or ...
Il était
une fois deux jeunes garçons, fils d'un modeste tailleur
de Blida, sui, ayant quitté le toit paternel
avec vingt louis en poche, firent en moins de vingt ans la conquête
du Tout-Paris élégant du début de ce siècle.
Il était une fois...
Mais je pourrais continuer longemps à parler comme on le
fait dans les comtes de fées, puisqu'il s'agit de l'histoire
de deux magiciens. Car l'homme à la main d'or était
le grand-père des fils du tailleur de Blida, et ceux n'étaient
autres que les frères Isola;
Les frères
Isola, nom, prestigieux, synonyme d'illusion et de féérie
à une époque où naissaient l'automobile, le
phonographe et cinéma, où tout n'était qu'illusion
et féérie, depuis ces inventions merveilleuses jusqu'à
la vie chatoyante et facile qui, des feux de la rampe aux soupers
fins de chez Maxim's, était alors celle de Paris.
Cinquante ans d'illusion, c'est le titre provisoire du film que
se proposent de réaliser prochainement MM. Christian
Stengel et Pierre Andrieu,
s'inspirant pour la plus large part de Souvenirs des Isola, recueillis
par Pierre Andrieu et dans lequel revivront toutes ces silhouettes
qu'ils aiment à évoquer, et qui portent des noms célèbres
et déjà légendaires. Une vie passée
à croire : telle est celle de ces deux frères unis
tout au long d'une longue existence, pour les bons comme pour les
mauvais jours, et qui doivent sans doute leur extraordinaire réussite
à cette merveilleuse entente, à leur persévérance
aussi. Ils ont cru en leur vocation quand, revenant d'une séance
donnée à Blida par le célèbre Robert
Houdin, ils déclarèrent à leur père
effaré: "Nous serons illusionnistes et millionnaires
!" Ils ont cru en elle quand, apprentis menuisiers de par la
volonté absolue de ce dernier et travaillant vaille que vaille,
chez un fabricant de cercueils, ils ne cessaient d'exercer leurs
mains calleuses et pleines d'ampoules à ces "escamotages"
qui, plus tard, devaient les rendre célèbres. Ils
ont cru en leur métier quand, débarquant à
Paris un beau jour, riches de leurs illusions, ils ont trouvé
en eux-mêmes assez d'espoir et de foi pour persévérer
malgré les échecs et les revers. Illusion, illusion
toujours, souvent déçue mais sans cesse recréée
comme se recréent encore aujourd'hui au bout de leurs doigts,
les papiers coupés en menus morceaux, les chiffons déchirés,
les rêves...
Et
puis un jour, l'illusion se fait réalité : Vincent
et Émile Isola deviennent les propriétaires du théâtre
de la Gaité, devant lequel un soir, quelques années
auparavant, ils avaient, assis mélancoliquement sur un banc
du square des Arts des Métiers, partagé la pomme qui
leur restait du tour raté ce Guillaume Tell... Dès
lors, dans une ascension vertigineuse, les deux frères vont
se trouver mêlés à la vie littéraire,
artistique et politique de Paris. Il n'est pas d'acteur, de musicien,
de chanteur ou d'écrivain, d'homme célèbre
par sa naissance, sa fortune, sa situation, qui n'ait côtoyé,
fréquenté, donné son amitié à
ces mécènes pour qui l'argent ne compte qu'en fonction
de ce qu'il peut aider à réaliser au point de vue
artistique.
Autour d'eux, lorsqu'ils évoquent avec une souriante philosophie
ces années d'opulence qui, au déclin de leur laborieuse
existence, ne sont plus que des souvenirs, passent des visages :
Paulus, Fragson, Baggessen,
le casseur d'assiettes, Frégoli,
le duc de Mornay et la belle Cléo
de Mérode, louis Lumière
quand il présentait son premier film, le marquis
de Dion et ses automobiles, la Goulue,
Boni de Castellane, Massenet, Chaliapine,
Dranem, Lucien Guitry et aussi
son fils, puisque c'est Sacha Guitry qui aida Émile
et Vincent Isola à reprendre leur numéro de prestidigitation,
abandonné depuis quarante ans, numéro dont le succès
demeure toujours la plus belle récompense de plus d'un demi-siècle
de travail.
Tout cela, nous allons le revivre dans un film qui sera une vaste
reconstitution d'une époque encore si proche de la nôtre,
et qui pourtant nous apparaît déjà comme un temps
lointain et merveilleux, attendrissant et ridicule ainsi qu'une vieille
gravure de mode avec ce charme des choses qu'on regrette de ne pas
avoir connues... De la petite boutique de Blida aux réceptions
des Champs-Élysées, nous suivrons les Isola qui interpréteront
eux-mêmes les dernières scènes du film lors de
leur gala de l'A.B.C, en 1940.
Tour à tour adaptateur, scénariste, producteur,
metteur en scène, Christian Stengel, auquel nous devons tant
de films de qualité tels que Crimes et Châtiments, l'Homme
de nulle part, La Maison dans la Lune, Les Mutilés dé
"L'Elseneur" et Pontcarral, colonel d'empire, travaille
depuis dix-huit mois à la mise au point de ce film avec Pierre
Andrieu, pour lequel l'histoire des Isola n'a plus de secrets. De
cette collaboration étroite à laquelle a présidé
un grand souci d'exactitude pour la reconstitution d'une époque
aussi riche en détails pittoresques que la vie des frères
Isola elle-même, sortira, nous n'en pouvons douter, une œuvre
attachante, d'un style diffèrent de tout ce que le cinéma
nous a donné depuis quelques années.
Reste le choix des interprètes. Qui sera Vincent, qui
sera Émile Isola ? Des noms sont prononcés : Pierre
Blanchar, Fernand Gravey, Georges
Rollin, Gilbert Gil ... Des noms seulement,
car rien n'est encore décidé. Tant de visages doivent
être évoqués, dont il faut fixer les traits avec
d'autant plus de minutie que l'on triche difficilement avec ce qui,
hier encore, était l'actualité...
Et puis, dit M.Stengel, qui ne se dissimule pas les difficultés
d'une telle réalisation, il y a aussi la musique qui compte
énormément dans un film comme celui-ci.
Remarques:
1. Cette photo, selon mon
interprétation nous montre deux des fils d'Antoine et je pense
à la communion d'Emile né en 1860 accomagné de
son plus jeune frère Giroux Salvador né en 1866 et tué
lors de la misson Flatters en 1896.
2.
Une erreur s'est glissée, ce n'est pas Vincent Isola et François
Isola mais, Vincent Isola et Emile Isola.
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