source Gallica, BNF: Hebdomadaire : « L’Africain» (hebdomadaire colonial !!) du Dimanche 17 septembre 1933 , page 3
 

 
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--- En plein mois d’août, époque où la plupart des théâtres ferment craignant de jouer devant des banquettes vides, un hasard m’a amené à conduire des amis de passage à Paris au théâtre Mogador.
--- A ma grande surprise, un jour de semaine, le théâtre était plein pour voir un succès qui date pourtant pas d’hier : « l’Auberge du Cheval Blanc ».
--- Et tout naturellement je me suis demandé pourquoi certains théâtres « mangeraient de l’argent » pendant que d’autres en gagnaient.

-- L’argent va à l’argent semble ici trouver sa justification. Trop de salles montent chichement leurs spectacles : elles font des économies sur les artistes et sur la mise en scène ; elles s’accommodent d’un auteur de troisième zone qui à ristourner une partie de ses droits, chose contre laquelle s’insurgent les dramaturges ayant quelque talent. Il en résulte donc des pièces médiocres jouées sans conviction qui n’attirent pas le public.
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Qu’ont fait les frères Isola, directeurs du théâtre Mogador ?
--- Tout d’abord, ils ont cherché une formule neuve ; ils ont crée un spectacle « atmosphérique ». Une scène qui déborde latéralement, des décors qui dépassent le cadre de la scène, beaucoup de vedettes, un mouvement endiablé et des costumes qui, après 500 représentations, sont frais ; j’insiste sur ce dernier point que je donne en exemple au Casino de Paris entre autres. Le décor du hall est tyrolien ; bref dès que le spectateur entre, il est déjà dans l’ambiance. Il n’en faut pas plus pour assurer un succès durable.
--- Naturellement, tout cela a dû coûter fort cher …, mais les recettes se maintiennent depuis plus d’un an, malgré la crise, malgré la saison estivale.


A Mogador,
dans leur loge.
     

---D’un autre côté, et voici un point important, on s’est inspiré du goût sans le suivre servilement. Il n’est pas question d’adultère, on n’y voit pas des seins, pas de nombrils en sueur : le spectacle est sain, comique sans être burlesque : pour une fois les couplets ont été troussés par un des meilleurs spécialistes du genre, l’ami Dorin, ils ne sont ni stupides, ni faciles. Le metteur en scène Erik Carell a fait preuve d’imagination, ce qui est rare en notre époque ; il est vrai qu’on lui doit déjà la mise en scène du film « le Congrès s’amuse », ce qui est une petite référence.

--- Bref, il ne peut être question d’un compte-rendu, mais d’un exemple. Il y aura toujours des spectateurs pour un spectacle attrayant, conçu avec goût.
--- Ici, comme beaucoup d’autres choses, la compétence joue un grand rôle, et c’est pour avoir écarté trop souvent les « compétences » que le théâtre français est mal en point.
--- Puisse le théâtre Mogador faire réfléchir nos édiles du théâtre.