Source BNF

 
       
LA LUTTE CONTRE LES REVENDEURS
 LA GAÎTÉ LYRIQUE
---- Communication relative au trafic des billets pris en location au théâtre municipal de la Gaîté. 
---- M. Maurice Quentin: — Messieurs, la 3eme Commission, à laquelle j'appartiens, vous a saisis de ses conclusions relativement au trafic des billets pris en location au théâtre municipal de la Gaîté. Il lui a paru que la revente des places allait à l'encontre du but que le Conseil municipal s'est proposé en abaissant le prix de celles-ci dans des conditions qui les mettaient à la portée de toutes les bourses, et nous avons dû reconnaître que nous serions plus armés pour empêcher ces agissements
si le législateur intervenait. Ces conclusions ont été également celles de la 4eme Commission, qui en avait délibéré concurremment avec la 2e, et tel fut le sentiment de l'Assemblée.
--- En conséquence des idées échangées à cette occasion, les directeurs du Théâtre lyrique municipal de la Gaîté ont saisi le Parlement par la voie de la pétition dont le texte ci-après nous a été communiqué :
« Paris, le 23 janvier 1910.
« Monsieur le Sénateur,
« Monsieur le Député,
« Il est un trafic dont tout le monde se plaint : c'est celui des marchands de billets, qui, en vertu d'une prétendue liberté du commerce, majorent effrontément le prix des places qu'ils achètent aux bureaux de location et qu'ils accaparent au grand dommage du public obligé de s'incliner devant leurs exigences.
« Depuis trois ans, au Théâtre-Lyrique, nous avons essayé vainement de lutter contre eux par tous les moyens de

 

répression et d'intimidation. Pendant quelques jours ils se tenaient tranquilles, mais bientôt ils reprenaient de plus belles
« Que faire ? La loi est pour eux, contre nous!
« Remarquez, Messieurs, que si nous plaidons ici la cause du Théâtre municipal, cette cause est aussi celle des théâtres d'État, c'est-à dire de tous les théâtres dont le prix des places est tarifé par autorité supérieure.
« Que ceux de nos confrères dont l'industrie est privée s'accommodent de l'état de chose actuel : c'est leur droit. Ils peuvent à leur gré, étant absolument libres d'agir au mieux de leurs intérêts, augmenter le prix de leurs places quand bon leur semble.
« Ce droit, nous ne l'avons pas. Nous ne pouvons modifier le tarif accepté par l'État ou par le Conseil municipal.
« Il n'est pas admissible qu'un industriel puisse légalement vendre à notre porte nos places à un prix supérieur à celui qui nous est imposé et réalise ainsi un bénéfice immoral dont le public, il est vrai, paie les frais, mais qui jette la défaveur sur nos établissements.
« Le pain est tarifé : nul n'a le droit de le vendre plus cher que le tarif légal. Le prix des voitures est fixe également : nul ne peut le majorer sans s'exposer à des poursuites judiciaires. « Pourquoi le public qui fréquente les théâtres d'État ainsi que les théâtres dont le prix des places est tarifé par les municipalités ne serait-il pas, de même sorte, protégé contre les exploiteurs?
« Aucun règlement de police ne peul venir à bout des marchands de billets. Le seul qui leur soit applicable est celui qui réprimé le racolage sur la voie publique.
« Il faut une loi pour les faire disparaître. Le Conseil municipal de Paris l'a reconnu lui-même. Nous demandons qu'un membre du Parlement prenne l'initiative de déposer cette proposition sur le bureau des Chambres, et que le Sénat et la Chambre des députés la volent d'urgence.
» Cette mesure sera, vous n'en pouvez douter, vivement approuvée par le public. C'est en son nom que nous vous adressons cette demande avec l'espoir qu'elle sera favorablement accueillie et rapidement exaucée.
« Recevez, Monsieur le Sénateur, Monsieur le Député, l'hommage respectueux de notre considération la plus distinguée.
« Signé : les frères Isola,
" Directeurs du théâtre lyrique municipal de la Gaîté.

--- J'ai reçu la copie de cette pétition qui a dû probablement vous être remise et qu'en tous cas, il m'a paru intéressant de faire figurer au procès-verbal de notre séance, en souhaitant que nos intentions ne soient pas méconnues et que le public parisien échappe à l'ohligation de payer ses places plus cher qu'au bureau.


--- M. Emile Massard : - Notre collègue M. Maurice Quentin a raison de faire figurer au procès-verbal de notre séance la pétition de MM. Isola. Je demande à ajouter quelques mots. Ce matin, M. Dejeante, député, a déposé sur le bureau de la Chambre un projet de loi conforme. Aux termes de ce projet, les trafiquants de billets de théâtres nationaux ou municipaux seront punis, chaque fois qu'ils seront pris en flagrant délit, d'une amende de 100 francs. Je trouve cette pénalité insuffisante.
--- Ces trafiquants gagnent beaucoup d'argent. Une somme de 100 francs, versée de temps à autres ne les gênera beaucoup. Il y aurait lieu d'appliquer des pénalités plus sévères. En attendant le vote de la loi sollicité, l'administration pourrait peut être atteindre les marchands de billets en les poursuivant pour un délit véritable : celui de se soustraire à l'acquittement du droit des pauvres,
--- Quoi qu'il en soit, MM. Isola demandent au Parlement d'intervenir. Nous ne saurions trop les approuver.
L'incident est clos.