La
candidature des frères Isola à l'Opéra
Nous promettions à nos lecteurs,
dans notre dernier numéro, de les entretenir plus longuement de
la candidature, à la direction de l'Opéra, de MM. Isola
frères. Depuis, le renouvellement pour un an a été
accordé au directeur actuel, M. Pierre Gailhard. Néanmoins,
fidèles à notre promesse, nous faisons ci- dessous une relation
des projets, d'ailleurs intéressants, de MM. Isola frères.
Tout
Paris connaît les frères Isola. On les croit jumeaux: mais
jamais l'ainé: M. Emile Isola, n'a consenti à avouer qu'il
était plus âgé que le cadet: M. Vincent Isola. Ils
sont nés à Blidah, où leur père exerçait
la profession de tailleur et de cafetier. Ils apprirent le métier
le métier de menuisier; c'est là sans doute qu'ils contractèrent
le goût des planches. Ils virent des prestidigitateurs dans le café
de leur père, ils demandèrent à ces artistes leur
secret et vinrent faire des tours un beau jour à Paris pour tenter
la fortune à leur tour. Ils s'adressèrent à un ami
de leur père, le sénateur Mauguin, qui s'occupa de les faire
débuter sur des scènes parisiennes. Mais c'est à
Londres qu'ils réussirent mieux. De là, ils repassèrent
la Manche et vinrent s'installer dans la salle des Capucines.
En 1898, ils devinrent directeurs du théâtre de la Gaîté,
où ils apprirent en une saison lyrique brillante ce que c'est que
diriger un théâtre de musique. Ils espèrent appliquer
à un théâtre subventionné les qualités
d'administrateurs qui leur ont si bien réussi au music-hall, et
voilà pourquoi ils sont candidats à l'Opéra.
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MM. ISOLA dans leur cabinet de travail |
Bien
entendu, ils seront secondés au point de vue technique par une
personnalité artistique devant laquelle tout le monde s'inclinera.
Pour relever et encourager l'art lyrique, ils institueront des concours
à l'exemple de M. Sonzogno, l'éditeur: mais alors que les
concours Sonzogno n'ont lieu que tous les 4 ans, les concours en question
seraient au nombre de 4 en 6 ans que dure le privilège de l'Opéra;
les prix seraient de 50.000 francs.
Les
décors, le matériel et l'éclairage seraient renouvelés;
l'éclairage, surtout scénique, serait amélioré.
Les
représentations auraient lieu toute l'année les lundi, mercredi
et vendredi; mais autre qu'on jouerait le samedi du 1er octobre au 31
mai, comme cela se fait actuellement, il y aurait, pendant cette même
période, des représentations à prix réduit
le dimanche; le mardi et le jeudi seraient consacrés à des
concerts symphoniques. En somme, sauf en saison estivale du 1er juin au
30 septembre où l'on jouerait 3 fois par semaine, l'Opéra,
le reste du temps, serait ouvert tous les soirs.
Enfin, et ce n'est pas le moins intéressant de leur programme,
MM. Isola s'engageraient à construire et fonder de leurs deniers
le théâtre populaire.
Cette grosse question, qui préoccupe tous les esprits, serait ainsi
très simplement résolue, puisque le théâtre
populaire serait desservi par des chanteurs disponibles de l'Opéra.
Comme répertoire, cette scène aurait le répertoire
de l'Opéra, mais elle serait aussi le théâtre d'essai
pour les œuvres de jeunes musiciens: elle leur faciliterait ainsi
l'entrée plus tard à l'Opéra, elle serait le théâtre
lyrique dépendant de l'Opéra. N'oublions pas que Faust,
que Roméo ont été joués au lyrique
avant d'entrer à l'Opéra. Et de même que certaines
œuvres musicales passeraient d'abord par le théâtre
populaire, les chanteurs pourraient y apprendre leur métier d'acteur,
s'aguerrir, avant de se lancer sur l'immense scène de l'Opéra.
Ce projet de MM. Isola frères est on ne peut plus intéressant.
C'est maintenant au ministre seul qu'appartient la solution du problème,
quand l'année accordée à M. Gailhard sera révolue.
Article écrit par
LOUIS SCHNEIDER pour la journal MUSICA de Février 1906 |