source BNF                  "La Pauvre Colombe des Isola" racontée quelques années après
                                       par le journal GIL BLAS le jeudi 1er février 1912
                   Les frères Isola, qui sont de vrais artistes, simples et charmants, content parfois comment ils s'assirent, certain soir triste, sur un banc du square des Arts et Métiers et, mélancoliques, seuls et désolés, regardèrent s'allumer, au faîte d'un immeuble voisin, ces lettres, alors de gaz : Théâtre de la Gaîté. La Gaîté! Ironie des mots... Ironie du destin !.
Un soir récent on fêtait, entre amis, la décoration de M. Emile Isola, et un des assistants à ce dîner d'intimes, M. Maurice Couyba, voulut exprimer, en quelques paroles bien senties, la sympathie profonde qu'éprouvent pour ces deux frères laborieux et intelligents tous ceux qui savent leur vie courageuse et active. "
Et il raconta ceci:
------------- « Un soir, dans une séance qui suivit quelque conférence sur leur art favori, l'art d'ailleurs si spirituel où ils excellaient, les deux frères escamotèrent non point la traditionnelle muscade, mais une jolie, colombe blanche. Leur succès fut vif quoique le bénéfice d'argent fût nul. Alors, après la séance, ils se retrouvèrent les poches vides, et, malgré les cris de leur conscience, ils subirent les appels de leur estomac en détresse : en soupirant, ils immolèrent la blanche colombe, puis, innocemment, ils mangèrent la pauvrette! »
           Ainsi dit M. Couyba parmi l'émotion de tous. C'est fort touchant, mais un peu inexact. Rassurons les âmes sensibles : Vincent et Emile Isola n'égorgèrent point, pour la manger, la douce colombe; ils la vendirent deux francs cinquante et c'est peut-être vous
qui l'avez mangée.