source: Gallica     Hebdomadaire "Le cri de Paris"   
                  Dimanche 12 avril 1914

 
   
       
 
 

A L'OPERA COMIQUE

       Le torchon brûle entre MM. Gheusi et Isola. C'est fréquent dans les nouveaux ménages dont l'union s'est faite trop précipitamment.

    


        M. Gheusi n'était pas le moins pressé. N'est-ce pas lui qui demanda la main de MM. Isola ? Au théâtre, comme ailleurs, on se désire d'autant plus qu'on se connaît moins.
         Avant le mariage, M. Gheusi ne pouvait pas vivre sans MM. Isola. Après, ce sont MM. Isola qui ne peuvent vivre sans M. Gheusi. Mais M. Gheusi est fatigué de tant d'amour. Celui de M. Emile Isola lui suffit. M. Vincent Isola l'importune. C'est pourquoi, ces derniers temps, M. Gheusi invita M. Emile Isola seul à déjeuner. Il voulait isoler les Isola. L'aîné ne voulut pas profiter d'un tête-à-tête qui semblait chagriner le cadet. Depuis, les frères attendent l'invitation collective.
       Désir timidement exprimé, MM. Isola voudraient bien être auprès de M. Gheusi quand il s'occupe des auteurs et des interprètes. MM. Isola se plaignent aussi de ce que M. Gheusi ne vienne jamais les voir. Ils soupirent :
     - Nous montons bien jusqu'à son cabinet. Pourquoi ne descend-il jamais jusqu'au nôtre ?
M. Gheusi veut bien monter. Il ne veut pas descendre.
                Le coffre-fort du cabinet de MM. Isola l'impressionne. Il a peur que des sbires cachés à l'intérieur écoutent la conversation. M. Gheusi a parfois le temps de lire les journaux. Il n'a pas oublié qu'au Ministère des Finances, les oreilles ont des rideaux.
      MM. Isola aiment trop M. Gheusi pour recourir au divorce. Au contraire, ils demandent au ministre d'imposer à M. Gheusi la vie commune.
Mais on assure que M. Viviani n'est pas favorable à ce rapprochement et qu'il entend même approuver la séparation de corps dont se prévaut M. Gheusi.
          Un beau procès pointe à l'horizon lyrique Me Henri-Robert qui sera l'avocat de M. Gheusi, prépare déjà sa toge de gala.
       Avant ce divertissement judiciaire, un coup de théâtre ne précipitera-t-il pas le dénouement ?
       On dit que le Ministre pourrait bien, tous comptes faits, employer cette formule arithmétique : - Je dépose 2 et je retiens 1.