La
crise de l'Opéra
M. Briand cherche un candidat
Après
l’échec de la combinaison Carré-Porel-lsola,
le ministre s’arrête à une combinaison Messager-Broussan.
Les pourparlers.
Seul de tous
les journaux du soir, l' Intransigeant, bien renseigné sur le
fond des choses, a pu annoncer, dès hier soir, l’échec
de la combinaison Briand et la,
retraite
de M. Carré, dont le départ remet en
cause toute la question de l’Opéra.
M. Carré
a adressé au ministre, hier dans la soirée, une lettre
qui, confirmant; nos prévisions, dégage définitivement
le directeur de l’Opéra-Comique. Celui-ci ne se fait pas
faute de rappeler au ministre ce que d’ailleurs nous affirmions
ici, que c’est M. Briand qui avait sollicité M. Carré
de poser sa candidature; et que, devant les oppositions que la combinaison
a rencontrées, il préfère s’effacer.
Cette retraite
a rendu à la combinaison Messager-Broussan toute
sa vigueur. L'Intransigeant donnait, il y a quelques jours
un détail qui a bien son importance. Il annonçait qu’à
la date du 28 décembre, M. Messager avait donné sa démission
: de directeur à Covent-Garden. Était-il possible que
le ministre de l’instruction publique eût laissé
M. Messager renoncer à sa situation à Londres, alors qu’il
était bien résolu à ne pas lui en rendre l’équivalent
à Paris.
Ce matin, MM.
Messager et Broussan ont été appelés à la
première heure chez M. Briand et ont eu avec lui, au sujet de
la future direction, une longue entrevue, il a été convenu
qu’ils reverraient le minière dans la soirée.
Nous avons annoncé
hier qu’énervé par l’insuccès de sa
laborieuse combinaison Carré-Porel-Isola, M.
Briand annonçait qu’il prendrait une décision définitive
aujourd’hui même. Nous ne savons s’il aura pu arriver
dès ce soir à une entente. En tout cas, le bruit avait
couru que du fait de l’échec de M. Carré, la candidature
de M. Gailhard, qu’on dit fortement appuyée
en haut lieu, reprenait des chances. Il n’est pas à notre
connaissance que M. Gailhard ait été appelé aujourd'hui
chez M. Briand. Et ce détail indique suffisamment que c’est,
pour le moment du moins, la candidature Messager-Broussan (directeurs
de 1908 à 1914) qui occupe seule le ministre.
La question du Lyrique populaire
Que devient en tout ceci la question du Lyrique
populaire qui intéresse à tant de points de vue les Parisiens
?
Il semble qu’elle
tombe à l’eau en même temps que la combinaison Carré-Porel-Isola.
Cependant, de part et d'autre, on y tient M. Briand, qui avait déjà
donné le nom de Lyrique national à ce théâtre
populaire, n’à pas perdu tout espoir de présider
à sa fondation.
M. Briand a même dit ceci :
Je vais régler la question de
la direction de l’Opéra, et je m’occuperai ensuite
du Théâtre populaire. On dit bien que les frères
Isola n’admettraient la création du « Lyrique populaire"
que s’ils peuvent s’entendre avec un des deux théâtres
subventionnés de musique.
Mais, quoi qu’il arrive,
on ne désespère pas d’amener, ces deux directeurs
qui étaient prêts hier à faire un gros sacrifice,
pour la réalisation de leur idées, à ne pas renoncer
à une création réclamée per tous les artistes.
Comme un ennui n’arrive jamais seul, le bruit courait ce matin
que le projet d’Opéra populaire, connexe à la direction
de l’Opéra rencontrait, sinon l'hostilité, du moins
de sérieuses objections au sein du conseil municipal.
M. Paul Escudier (homme politique conseiller municipal
de Paris puis député) a bien voulu, nous faire,
à ce sujet, les déclarations suivantes, qui mettront les
faits au point :
— De tout temps, nous a-t-il dit, le Conseil municipal s’est
occupé de la question du Théâtre lyrique populaire,
qu’il juge indispensable dans une grande ville comme Paris.
Mais si tout 1e monde est
d’accord sur le principe, la question de l’exécution
a soulevé une grande série de projets et de nombreux débats.
Le Conseil municipal a trouvé
un commencement de satisfaction donnée à cette idée
avec l’Œuvre des Trente ans de théâtre qu’il
subventionne.
Mais la question du Théâtre
populaire n’était pas résolue pour cela.
Un point essentiel restait à
établir : introduire dans le cahier des charges de l'exploitation
de l’Opéra l’obligation pour ,1e concessionnaire
de mettre à la disposition du Théâtre populaire
futur, les artistes, le matériel et le répertoire de l’Opéra.
Le ministre a introduit précisément
cette clause dans le nouveau cahier des charges et, par là, a
fait avancer la réalisation du Théâtre populaire.
Ce n’est donc plus qu’une
question d’accords entre les pouvoirs publics, le ministre et
le Conseil municipal.