Le Petit bien                                                                                     30 juin 1925

LES FRERES ISOLA QUITTENT L'OPERA-COMIQUE

Mais ils ne sont perdus, ni pour l'art français ni pour la musique française.

         MM. Émile et Vincent Isola s'apprêtent à quitter l'Opéra-comique où ils viennent quatre années durant, avec l'éminente collaboration de M. Albert Carré, de rendre à l'art lyrique français des services qui ne devront jamais être oubliés. Le sentiment des Parisiens, à cet égard, est unanime.
        Ces trois grands directeurs n'ont pas eu à faire leurs preuves salle Favart. Ils avaient, en y arrivant, à soutenir la réputation acquise en des directions antérieures, et le moins qu'on puisse dire est qu'ils y ont confirmé avec éclat leurs titres à la considération des artistes et à la gratitude du public.
        C'est un fait que, sous l'impulsion des frères Isola, qui ont l'instinct du théâtre, et sous celle de M. Albert Carré, qui s'était affirmé déjà administrateur de premier ordre, au boulevard puis à la Comédie-Française, l'Opéra-comique, dans ces dernières années, a connu une prospérité jamais égalée, jamais même approchée avant eux. Et le meilleur témoignage qu'on puisse leur rendre, c'est que, cette prospérité, ils n'ont jamais essayé de l'obtenir au détriment de l'art.
       Comment l'auraient-ils pu après une carrière toute dévouée aux plus nobles expressions du génie français ? Au demeurant, s'ils n'avaient eu de souci que celui de réaliser une fortune rapide, les frères Isola n'auraient jamais abandonné leur si fructueuse de la Gaîté-Lyrique, direction brillante s'il en fût, non seulement d'ailleurs par ses résultats financiers, mais aussi par la valeur artistique des spectacles présentés.
       La besogne que les trois directeurs ont accomplie, en constant accord, à l'Opéra-comique, parle plus éloquemment à leur honneur que les plus effrénées dithyrambes. Ils ont quadruplé le montant des abonnements annuels. Le chiffre des recettes quotidiennes atteint un niveau qu'on invoque avec admiration dans les plus grands théâtres parisiens, avec envie dans tous les autres. Mais ces résultats, qui suffiraient à la gloire d'ambitieux administrateurs, ne sont pas les seuls qu'il faille inscrire à l'actif des frères Isola et M. Albert Carré. Ce qu'il faut répéter, ce qu'il ne faut pas se lasser de dire, c'est que, ces résultats, ils les ont sans perdre de vue qu'ils étaient à la tête d'un grand subventionné français et qu'ils avaient donc pour donc pour charge principale de servir la musique et musiciens français. On nous dira que ce sentiment allait de soi. Pas tellement cependant qu'on s'en soit de tout temps inspiré partout avec une égale ténacité et un même constant bonheur…
        Dieu merci, les frères Isola quittent l'Opéra-comique, mais non pas le théâtre parisien. On sait qu'à partir de janvier prochain, ils dirigeront le théâtre Mogador, qu'ils ont l'intention de consacrer à l'art lyrique.
       C'est une grande consolation pour leurs amis et pour le public parisien tout entier, car eux, du moins, ils ne compromettront pas leur prestige d'anciens directeurs de la salle Favart dans une vague entreprise d'opérette et d'opéra-comique vouée, comme on en eu des exemples à un lamentable échec.
      Où qu'ils aillent on peut être assuré que les frères Isola demeureront dignes d'eux-mêmes et fidèles à leur passé. C'est-à-dire, malgré tout, il y aura encore de be
aux jours, à Paris, pour l'art français et la musique française.
                                                                                                             Gaston Aubertin

 
 
 
 

  A cette époque la politique influençait-elle la culture et les arts ?. CL

"le Journal Amusant" du 3 septembre 1925

        On commence à recrépir les vieux décors et les vieilles actrices. On se prépare pour la saison prochaine… Déjà des nouvelles sensationnelles circulent dont quelques unes sont déjà officielles.
       Les frères Isola sont débarqués de l'Opéra-Comique. Ils n'étaient point assez politiquement à gauche. Car dans le chariot de Thespis, on exige des cochers radicaux.
     MM. Masson et Ricou, charmants hommes d'ailleurs, leur succèdent. Feront-ils mieux ou plus mal ? Rassurez- vous ils feront la même chose.
     Quand un nouveau gouvernement surviendra, les frères Isola prendront l'Opéra, et tout sera pour le mieux dans le meilleur des mondes du théâtre subventionné.
     Ce qu'il y a de plus divertissant que les ballets qu'on nous présentera cette saison, c'est que les danseuses seront radicales puisqu'elles seront, de toute nécessité, les petites amies de ces messieurs de gauche !
     Et tout dans le fond, tout cela est très bien.
    Il faut que chacun tienne un peu son tour la queue de la poêle C'est comme cela qu'on fait les bonne maisons !

 

                                 LE PLAT DU JOUR       "Volonté" du 16 octobre 1925
           Les frères Isola abandonnent aujourd'hui la direction de l'Opéra-comique et s'installent à la fois au théâtre Sarah-Bernhardt et au théâtre Mogador. Ils font coup double, mais ils sont coutumiers du fait… Ils ont la chance de tomber sur un succès dans l'un des deux théâtres, avec Mon curé chez les riches. Ils auront plus de difficultés à remonter le second, qui connut les péripéties les plus variées, mais ce n'est pas pour les effrayer !... Avec cette science des affaires qui leur a valu la sympathie de tout Paris, ils triompheront des obstacles qui pourraient se dresser sur leur route.
      Et puis n'ont-ils pas pour eux l'expérience de tous les meilleurs théâtraux et l'habitude de ramener les succès partout où ils sont passés!
     Souvenez-vous de Parisiana?... Les Debasta y dépensèrent toute leur fortune. En 1897, ils cédèrent la place aux frères Isola et, du jour au lendemain, les recettes augmentèrent de mille francs!... Parisiana!... n'est-ce pas, Isolas regnantibus, que l'on vit y défiler, de 1897 à 1902, les Chavat et Girier, les Vilbert, qui commença, sans l'uniforme de troupier sa brillante carrière, les Gibard, les Fragson, les Marcelle Yrven, les Spinelly, qui s'y font remarquer par un brillant début?...
      Les frères Isola ne donneront-ils pas aussi toute la mesure de leur parisianisme aux Folies-Bergère, où ils furent les promoteurs des revues à grand spectacle qu'illustrèrent Victor de Cottens et P.L Flers. Ils dépensèrent sans compter pour les présenter à leur fidèle public, et comme on était loin déjà des dix mille francs qu'avait risqué Mme Allemand pour y donner avant eux la première grande revue : Place au jeune ! en 1886.
      Les Isola quittent la place Favart. Ils emportent avec eux la réussite
      Et l'abbé Pellegrin doit se réjouir de devenir Mon curé chez les Isola !... Il fera des prières pour leur succès et, darne, le théâtre Sarah-Bernhardt vaut bien une messe!...
                                                                                                     Fernand ROUVRA
 
                                    EN PARTANT                "L'Eclair"  16 octobre 1925
        Hier, les frères Isola ont pris possession du théâtre Sarah-Bernhardt et ont quitté l'Opéra-Comique. A cette occasion tout le personnel de la salle Favart leur a prodigué de chaleureuses manifestations de sympathie qui leur sont allés droit au cœur. L'Association des artistes lyriques de théâtre anciens combattants, les syndicats des machinistes, les chefs costumiers, les ouvreuses de l'Opéra-Comique ont adressé aux frères Isola d'émouvantes lettres de remerciements pour toute la bienveillance témoignée à leur égard.
      Manifestation bien douce au cœur des nouveaux directeurs de Sarah-Bernhardt et Mogador.
                                                                                                           PAUL ACHARD

 
                                                                                     "Comedia" du 15 octobre 1925
      LES FRERES ISOLA QUITTENT L'OPERA-COMIQUE

      C'est aujourd'hui que les frères Isola, arrivés à l'expiration de leur privilège de directeurs de l'Opéra-Comique, prennent possession du théâtre Sarah Bernhardt, ne devant en effet diriger le théâtre Mogador, ainsi qu'on le sait, qu'à partir du 15 janvier. Une manifestation chaleureuse sympathique toute spontanée leur a été offerte à l'occasion de leur départ par les artistes et tout le personnel de la salle Favart. Profondément touchés par ces témoignages d'affection, les frères Isola ont exprimé en termes émus, leur vifs remerciements.
        Parmi les nombreuses marques de sympathie qui sont également parvenues aux frères Isola, nous croyons devoir extraire quelques lettres significatives que nous publions ci-dessous:
       C'est tout d'abord, l'association des Artistes lyriques de théâtre anciens combattants:
         L'association des Artistes lyriques de théâtre anciens combattants vous prie au moment où vous allez quitter la direction du Théâtre national de l'Opéra-comique, d'accepter et de vous renouveler tous ses remerciements profondément reconnaissants pour la sollicitude bienveillante avec laquelle vous avez accueilli favorablement ses demandes dans le seul but d'aider et de favoriser son œuvre.
Veuillez, je vous prie, trouver ici la gratitude de ses membres et le merci envoyé de grand cœur par tous les artistes lyriques de théâtre anciens combattants.
                                                                                                             Signé : ANECHI

             Le syndicat des machinistes et accessoiristes de Paris s'exprime ainsi :
            A l'occasion de votre prochain départ du Théâtre national de l'Opéra- comique, le conseil syndical du syndicat des machinistes et accessoiristes de Paris tient à vous faire savoir qu'il déplore que M. le ministre des Beaux-Arts n'ai pas cru devoir vous renommer pour le nouveau septennat, car de tous points votre action a été irréprochable. En ce qui nous concerne, nous rendons hommage aux directeurs expérimentés que vos avez toujours été. Nous n'avons eu qu'à nous féliciter de bons rapports qui n'ont jamais cessé d'exister entre nous.
         Trouvez, messieurs, dans ces quelques lignes, l'expression de toute notre reconnaissance, trop heureux si dans l'avenir vous jugez de faire appel à notre collaboration.
Pour le Conseil syndical:                                                       Le secrétaire : ROCHET

          A citer encore cette lettre signée, de Mme Louise Solatges et M. Henri Mathieu, tous deux costumiers:
          "Nous ne pouvons oublier les années passées sous votre direction où nous avons été à même d'apprécier vos qualités de bonté et de justice. Il nous est agréable aujourd'hui d'y rendre hommage.
           Nous ne voulons pas attendre le dernier jour vous en témoigner nos sentiments de reconnaissance et vous prions d'agréer, chers directeurs, l'assurance de notre gratitude."

Vos dévoués :                                      Louise Solatges, Henri Mathieu.

Enfin, cette adresse des ouvreuses de l'Opéra-Comique à leurs directeurs:
        "Nous nous réunissons toutes pour vous exprimer nos remerciements et la profonde reconnaissance de votre toujours et accueillante bonté. Nous ne vous oublierons jamais l'amélioration que vous avez apportée à notre situation sous votre direction.
                             Agréer MM. les directeurs, l'assurance de nos sentiments respectueux.
Signé: Dumois, Vve Murandon. Vajoux. Pradel. Besançon. Guicat. Bréjel. Iméric. Sance. Peïez. J. Debronche. G. Debronche. Gas. Gendre. Assély. Lerousse. Honoiano. Jane. N.Roux. A. Imbert. Frizan. César. Boisseau. Farineau. Lourniau. Sarrès. Delvoye. Henri C. Audouin. J.Roux. Chappat. Ferry. Bonin. Mazagol. Cochefort. Louise. Renaut. Ecker. Lefeuvre, Vve Doucet. Baudon. Baute. Nuillaux. Valette. Huvé. Baes. Monnier. Sibon. Fauville.Bellot.Abnéroth.A.Baulgnou,déléguée."

 
   

                A l'OPERA-COMIQUE          Comedia du 16 octobre 1925

            Mercredi soir, après les Indes galantes, le rideau est tombé sur la dernière représentation donnée sous la direction de MM. Albert Carré, Vincent et Émile Isola.
          Ce fut une grande et heureuse direction qui aura su maintenir la tradition de l'Opéra-Comique au milieu de circonstances difficiles. Elle aura dû fournir un effort particulièrement rude et dont peut-être on ne s'est pas assez rendu compte, au cours de cette période, le renchérissement de tous obligeait artistes, musiciens, décorateurs, costumiers, personnel, à réclamer desc appointements ou des prix de plus en plus élevés, tandis que la subvention, comme l'Opéra d'ailleurs n'augmentait pas, que le cahier des charges restait identique, que l'état multipliait les taxes et que la majorité du public, elle-même obligée à des dépenses de plus en plus lourdes pour les objets de première nécessité, devait considérer de plus en plus le théâtre comme un superflu; elle ne pouvait donc admettre que le prix des places augmentât dans la proportion qu'exigeaient, pour subsister, les artisans de la scène.