LE JOURNAL
18/01/1907
 
 
Source Gallica
 

 
                                       Tout a craqué :
                      Les raisons du conflit. Un trust.
       On croyait la question de l'Opéra réglée.
      Aujourd’hui, c’est le cas de le dire, un coup de théâtre s’est produit qui a remis tout en cause.    
  
    Nous ne reviendrons pas sur les détails de l’affaire. La combinaison Carré-Porel-Isola avait ceci pour elle qu’elle appelait à la tête de l’Opéra un directeur artiste, travailleur, bon administrateur, doué d’expérience, et qui a fait ses preuves.
          Elle avait contre elle d’être sortie tout entière du cerveau du ministre, d’être arbitraire dans ses arrangements qui ne tenaient pas un compte assez exact des contingences.
            La grosse difficulté est venue des frères Isola, et c’est sur leur refus que la combinaison se trouve en échec. M. Briand soudait ensemble les trois théâtres. Il créait donc le théâtre lyrique populaire, mais il le faisait dépendre étroitement de l’Opéra-Comique pour le répertoire et pour les artistes.
           C’est, dit-on, la seule façon de créer un théâtre lyrique viable. Car si l’entreprise ne veut compter que sur elle-même, elle périclite fatalement.
           Pour-y arriver, M. Briand nommait conjointement, à l'Opéra-Comique M. Porel ; et l’un des deux frères Isola. L’autre frère Isola dirigeait le Lyrique.
            Cette combinaison mettait à la disposition de M. Carré le million nécessaire pour la liquidation de ses décors.
C’est sur ces bases qu’hier l'accord avait fini péniblement par se faire
                                  L’échec
        Mais alors la Société des Auteurs est intervenue. On nous dit que c'est M.Victorien Sardou lui-même qui est allé porter ses doléances au ministre. La Société n’admet pas la double direction des Isola à l'Opéra-Comique et à la Gaîté.

         Elle fait observer, et ici elle a raison, que les trois théâtres étant dans les mains d’associés, il en résulte un véritable trust. Tout auteur qui déplaît au directeur de l’Opéra ou à ses associés, tout artiste qui a des difficultés avec l’un quelconque des trois théâtres peut se voir boycotter par les trois ensemble et interdit, par conséquent, par les seules scènes qui fassent de la musique à Paris.
            Devant cette objection de la dernière heure, les frères Isola, qui avaient apporté la plus grande complaisance aux négociations, qui d’ailleurs donnaient dans cette affaire plus qu’ils ne recevaient, et se trouvaient menacés de n’y trouver que des ennuis, ont complètement rompu les négociations.
                                          Le successeur
          La combinaison Carré étant atteinte, il se peut, qu’elle ne réussisse pas à se remettre debout.
       Dans ce cas, on donne comme certaine la combinaison Messager.
       Il est probable que dans cette nouvelle combinaison les frères Isola seraient chargés de l'organisation du Théâtre Lyrique Populaire qui aurait alors une existence indépendante de l'Opéra et de l’Opéra-Comique, tout en pouvant utiliser le répertoire et les artistes de ces théâtres.
           MM. Isola estiment, en effet, que le Théâtre Lyrique Populaire ne peut complètement se dispenser d’accointances artistiques avec les deux grandes scènes subventionnées.
          D’autre part, ou Sénat, on dit cet après-midi, qu’à la suite de l'entrevue de M. Briand avec la commission sénatoriale du budget, la combinaison Gailhard, laissant toutes choses en l’état, retrouverait des chances.
           M .Briand nous a fait ces déclarations : « Quoi qu'il arrive, le titulaire de l’Opéra sera nommé demain.
« Tous les candidats ont d’ailleurs accepté le cahier des charges. »