Source Gallica de la Bnf
"Le Figaro" du 8 octobre 1936
             

 

---- L’autre nuit, quand, vers heures du matin, les Isola, parurent, en habit, sur la scène de l'A. B. C., un grand mouvement traversa la salle, de l'orchestre au balcon. Tout le monde, debout, acclamait ceux qui allaient, pour la première fois, recommencer en public le numéro qu'ils exécutaient il y à quarante ans.
---- M. Vincent Isola, de cette voix un peu métallique que nous avions entendue si souvent pendant les répétitions à Mogador, donner des indications de mise en scène, présentait le numéro, tandis que son frère, une lampe électrique à la main, montrait qu'aucun des appareils n'était truqué.
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Ce ne sont pas des exercices de jonglerie qu'exécutent, les Isola, ce sont des expériences beaucoup plus saisissantes auxquelles collaborent Mme Vincent Isola (note) surgissant miraculeusement, radieusement jeune et blonde, en crevant les parois de papier d'un grand cube magique. On l'enferme dans un sac, le sac est mis dans une malle cadenassée, sanglée, scellée; mais il suffit de tirer les rideaux d'une sorte de grand baldaquin rouge pour que la prisonnière soit en liberté, et qu'à sa place dans le sac au fond de la malle, quand on a levé le couvercle, après avoir fait sauter sangles et cadenas, on trouve, les cheveux un peu ébouriffés, M. Emile Isola lui-même.
---- D'autres expériences du même genre furent exécutées avec la même sûreté en présence de trois témoins pris dans la salle. En l'espèce, l'autre nuit, Pauley, Jean-Pierre Aumont et Claude Dauphin.
---- A la fin de leur numéro, les Isola, sous les applaudissements, furent embrassés par M. Sacha Guitry, et M. Goldin les engagea à l'A. B. C. Mais cela nous le savions déjà.

A chacun son tour

---- Le gala avait un caractère familial et bon enfant qui changeait heureusement de tant de galas officiels. Le rideau se leva sur une belle assemblée de vedettes masquées qui, à l'appel de leurs noms, levaient leur masque. Chacune, le plus gentiment du monde, s'essaya à un tour de prestidigitation il n'était pas absolument nécessaire de le réussir, et le succès alla aussi bien à Jean Weber qui présenta un numéro de véritable professionnel, qu'à Victor Boucher qui expliqua le tour qu'il aurait: fait s'il n'avait pas égaré ses appareils ou à Dorville qui, après avoir cassé des œufs dans un chapeau emprunté à un spectateur, dut laisser en plan cette omelette improvisée. Sous prétexte de tours de passe-passe, que d'aimables tours imaginèrent Michel Simon et Pauline Carton, Saint-Granier et Moreno et Jacqueline Delubac, et Arletty en collégien d'Eton, et Parysis, Gaby Morlay, Max Dearly, Pauley.

Tour de chant

---- Quant à Mayol, il chanta Cousine, et Di Mazzei un air napolitain, et Jacqueline Francell du Claude Pingault. Maurice Chevalier commença bien par jongler, mais après un boniment d'un Damia, Fréhel et Missia, en interprétant, en chanteurs de cour Sois bonne, ô ma chère inconnue, firent pleuvoir sur la scène des pièces et des sous, que leur lançaient, des loges et des fauteuils, les spectateurs, parmi lesquels Huguette Duflos, Mistinguett, Blanche Montel, Marie Lecomte, Marie Bell, Diana, Regelly, Escande, Max Maurey, André Magre, Henri Varna, Jean Prouvost, Pierre Laffite, etc., etc.

Un triangle et un quatrain

---- Sacha Guitry traça un triangle et raconta l'histoire de deux petits garçons de Blidah : A, qui vinrent à Paris B, dirigèrent sept théâtres, laissèrent 36 millions à l'Assistance publique et c'est pourquoi tous leurs amis sont ce soir à l'A. B. C.
Il se trouva que les rimes lancées à Tristan Bernard, pour son quatrain improvisé, étaient celles de la Marseillaise. Son quatrain ne fut cependant que relativement guerrier, souvenir de son service militaire :

 
  Dans ces temps où, dragon, je servais la patrie,
Le funeste moment du réveil arrivé,
Je savais me soumettre à cette tyrannie,
Mais j'étais le dernier levé.
   

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Résultats une recette dépassant cent mille francs et une fête essentiellement parisienne.

André Warnod.

 
 


* La jeune et blonde Madame Vincent Isola, troisième du nom, alors agée de 23 ans était Christiane Yvette Mangeard mariée à Vincent le 12 juillet 1935, surnommée "la reine Christiane" par Sacha Guitry lui même. Ephémere comédienne, elle interprèta le rôle de Noun dans la pièce "Indiana" jouée au théâtre Sarah Bernhardt pendant la saison 1935~1936. Les "jeunes époux" divorcèrent en 1937 !

---- Le matin 26/10/1935 : Mme Vincent Isola, qui avait décidé depuis quelque temps de paraître sur la scène, fera ses débuts, au théâtre Sarah-Bernhardt, dans le rôle de la petite indigène d’Indiana, la pièce de M . Charles Méré. Ajoutons que Mme Vincent Isola jouera sous le nom de Reine-Christiane, M. Maurice Chevalier l’ayant baptisée au cours d’un souper présidé par Rip

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