Source Gallica:
10/10/1936


 

                   L'autre jour, Madame Pauline Carton chez Sacha Guitry, était toute timide et sage, en train de se colleter avec des accessoires surprenants. Elle s'essayait à la prestidigitation et j'en sus bientôt les raisons.Qui ne connaît les frères Isola ? Les directeurs de théâtre ? Oui, de Mogador cette année encore, mais ce sont eux qui ont créé le music-hall en France.
               Ils ont eu successivement les Capucines, Parisiana, l'Olympia, les Folies-Bergère, la Gaîté-Lyrique, l'Opéra-Comique, Sarah-Bernhardt et Mogador. Ils ont engagé dans leur vie plus de neuf cents artistes, ils en ont découvert d'innombrables. Ils ont donné à l'Assistance trente-six millions.
            Ils avaient fait des tours merveilleux, il y a quarante ans aux Capucines, et on leur en a fait de beaucoup moins drôles. Ce sont des artistes comme au premier jour et il ne leur reste que des souvenirs de leur existence brillante et méticuleuse. Chaque soir les vit en habit, l'œil à tout, sauf à leur bourse. Il ne leur reste rien, absolument rien que leurs tours de jadis qu'ils vont mettre au goût et au rythme du jour. Si ! Il leur restait un ami. Un homme qui passe, sur la scène, pour un égoïste parce qu'il est gracieusement dépourvu d'hypocrisie, mais qui est le cœur le plus généreux que l'on connaisse, je ne dis pas : à la ville, puisqu'il s'agit encore ici du théâtre. Et après tant de représentations au bénéfice de ses camarades malheureux, c'est en faveur; d'Émile et de Vincent Isola qu'il a mobilisé les vedettes les plus aimées du public. Liées entre elles, et pour un soir (après minuit) par un scénario de Sacha Guitry, devant l'A.B.C le plus élégant. Pauline Carton y joua un sketch avec Michel Simon et c'est pourquoi, avant-hier, je la voyais répétant avec ce souci qu'elle met à tout, surtout quand il s'agit de faire rire, chez l'illusionniste le plus étonnant que nous avons, qui jongle avec des mots, avec son esprit, avec son cœur, mais jamais avec le cœur des autres.