Certains noms,
qui brillèrent, pendant l'exposition de 1900,
d'un vif éclat, restent, aujourd'hui encore, chers au public.
J'ai demandé, à quelques-uns des
artistes qui les portent, d'évoquer, pour
nous, l'ère où ils connurent leurs plus beaux succès
et de nous parler du plublic d'alors.
YVETTE GUILBERT
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LES
FRÈRES ISOLA
Avant de devenir
directeurs de théâtre et de music-hall, les frères
Vincent et Émile Isola débutèrent,
aux Capucines, comme illusionnistes et y firent, ainsi qu'on
disait alors, « courir tout Paris ». L'année 1900
leur parait, à eux aussi, pleine de grâce.Les recettes
qu'elle leur valut semblent être de celles qu'on n'oublie pas.
" Si la saison
a été bonne pour le spectacle pendant l'avant-dernière
Exposition ? Ah ! Je comprends ! Ah ! Je crois bien ! Me répond
l'un d'eux.
Toutefois, pas pendant les deux premiers mois. Les premiers mois, vous
comprenez, ce n'est jamais bon. Sauf les soirs de pluie les gens ne
veulent pas s'enfermer, ils préfèrent le coude à
coude, la promenade, la vue des palais, illuminés, les jeux de
l'eau, la surprise. Mais après ! Après ! Quelles salles!
Pleines
à craquer, une location qui n'arrêtait pas. Et que d'artistes,
alors ! Quand nous
dirigions Parisiana, l'Olympia, j'avais
engagé
Frégoli. Je dus le garder sept mois sans
interruption, tant il suscitait d'engouement. La Loïe Fuller,
puis Little-Tich, la Tortajana triomphaient.
On adorait les grands ballets.
On leur préfère, désormais,
les petits divertissements. Le rythme de la vie est différent.
Ce qui dure longtemps ennuie vite. Plus tard, nous faisions représenter
Watteau, de Jean Lorrain, avec
Liane de Pougy ; Une fête à Séville,
avec la belle Otéro ; à l'Olympia,
le « looping the loop », la Flèche humaine
attiraient la foule. Quels applaudissements, quels rappels !
Tandis que nous débutions aux Capucines: salle
de conférence dans la journée, vers 1895, le cinéma,
lui, débutait, dans le sous-sol du Grand Café, loué
à Lumière. Vingt sous la place. On faisait queue jusqu'à
l'Opéra.
Oui, nous refaisons un numéro dans quelques établissements.
Les mêmes tours qu'autrefois ? Pensez-vous ! Le public ne s'en
contenterait
plus. En quoi ils consistaient, ces tours ? En transmission de pensée,
prestidigitation, magnétisme, mnémotechnie. Ça
plaisait bien. Ça ne paraîtrait plus suffisant. Nous réalisons,
à présent, des apparitions, disparitions, substitutions,
mille choses nouvelles. Tenez, résumons :
1900 : époque de
la petite illusion, 1937 : époque de la grande illusion."
Et de conclure avec un sourire
:
" Mais le public est toujours en or."
Huguette Garnier