LES
ISOLA
L'aîné des Isola
vient d'être fait officier de la Légion d'honneur. Les
deux frères qui dirigent, à côté de M. Albert
Carré, l'Opéra-Comiquc,eurent de débuts
difficiles.
Notre excellent confrère l'Opinion, dont les échos sont
toujours bien informés, nous conte ainsi leur histoire :
Fils d'un petit cafetier de Blida, chez qui
passaient des prestidigitateurs nomades, les frères Isola essayaient
à saisir les trucs de ces saltimbanques, et ils n'avaient pas
douze ans quand ils donnèrent leur premier spectacle à
une distribution de prix.
Après avoir été quelque temps menuisiers, ils décident
d'aller à Paris. L'aîné a alors vingt ans et le
plus jeune dix-huit. Ce qui ne les empêche pas ainsi de rédiger
ainsi leur première affiche :
LES FRÈRES ISOLA
Les premiers prestidigitateurs
du monde.
A cette époque, ils n'avaient pas encore été
plus loin que Paris ; c'était même la première fois
qu'ils s'y présentaient en publie. L'émotion leur fit
manquer tous leurs tours. On les siffla tellement qu'ils durent se sauver.
Dans leur trouble, ils perdirent leurs chapeaux, deux magnifiques chapeaux
haut de forme qui leur avaient coûté toutes leurs économies.
Rentrés chez eux, ils les retrouvèrent au fond de leur
malle, écrasés sous les trucs et les gobelets.
Une autre fois, ils exécutaient la Flèche
de Guillaume Tell, tour fort périlleux, car les deux frères
exigeaient le silence avant de l'entreprendre. Ce jour-là, Vincent
lance mal la flèche, qui s'arrête et se balance lamentablement
au bout de son fil avant d'arriver à la pomme d'Émile.
Le public se fâche et les deux artistes sont obligés d'évacuer
la scène.
Ces souvenirs de leurs années de misère, les deux frères
les content avec bonne humeur, sans rougir. Il leur arrive seulement
d'être un peu plus émus en évoquant leur première
nuit à Paris, Ils la passèrent sur un banc du square des
Arts-ct-Métiers, dont ils avaient sauté la grille, juste
en face de ce théâtre, dont moins de vingt ans plus tard
ils furent les directeurs.