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LES
FRÈRES ISOLA
RESTERONT-ILS À
L'OPÉRA-COMIQUE ?
MM. Vincent
et Émile Isola, directeurs avec M. Albert Carré
pour un an encore du Théâtre
National de l'Opéra-Comique vont-ils, cette période
septennale terminée, s'en tenir là et s'arrêter en
si beau chemin ? N'est-il pas normal de croire — et d'espérer
—• que ces actifs administrateurs se voueront à d'autres
entreprises ?
D'aucuns
ne parlent-ils pas déjà d'un projet de théâtre
sur un emplacement à proximité des grands boulevards? Mais
chi lo sa? l'avenir est à Dieu... et un peu également
à MM. Isola.
En vérité, ils ont tenu dans les théâtres
d'art lyrique une place enviable et respectée; ils ont monté
une foule d'œuvres intéressantes, ils ont contribué
à attirer au théâtre de l'Opéra-Comique
un public de plus en plus nombreux et de plus en plus enthousiaste. Grâces
leur en soient rendues.
Les frères Isola sont d'ailleurs des administrateurs-nés;
leurs débuts ne furent pas toujours faciles, et si la chance enfin
les favorisa, c'est qu'ils en triomphèrent à force d'intelligente
ténacité. Ne racontaient-ils pas dernièrement à
notre directeur ce souvenir empreint d'une sereine philosophie : Un
soir, un triste soir, qu'il faisait froid et peut-être un peu faim,
ils s'assirent sur un banc du boulevard de Sébastopol, et l'un
d'eux dit à l'autre, lui montrant d'un geste large le Théâtre
de la Gaieté dont la façade flamboyait non
loin: « Dire qu'un jour peut-être nous dirigerons cette scène
! » Il ne fut pas mauvais prophète et la prédiction
se réalisa brillamment par la suite.
Le premier théâtre aux destinées duquel ils présidèrent
fut celui des Capucines ; et puis la déesse Fortune s'apprivoisa
: Les Folies-Bergères, Parisiana et l'Olympia
subirent simultanément leur artistique et sympathique dictature.
C'est à ces actifs administrateurs que nous devons l'invention
de la revue à grand spectacle.
Ils dirigèrent
ensuite (avec quel éclat !) la Gaieté, théâtre
lyrique municipal : là se succédèrent les plus
belles créations, les plus somptueuses reprises ; et cela dura
onze années, sans subvention, sans aide financière.
Enfin, M. Barthou, Ministre de l'Instruction publique,
les jugea dignes en 1913 d'accéder au poste suprême et, le
1er janvier 1914, ils prenaient avec M. Gheusi place
au fauteuil directorial de l'Opéra-Comique; en 1918, M.
Albert Carré succéda à M. Gheusi
et gouverna avec MM. Isola le théâtre de la rue Favart; le
nombre des représentations est passé de trois cent cinquante
à quatre cent cinquante. Celui des abonnés augmente, les
recettes montent progressivement de 1 million 351.012 francs (1916) à
7.770.714 francs (1923). Les actes nouveaux montés annuellement
passent peu à peu de douze à vingt. Voilà de belle
et bonne besogne. Et l'on voudrait qu'après cela MM. Isola
se reposent et se laissent envahir par un doux far-niente? Ce serait à
vrai dire assez mal les connaître, et il ne se passera sans doute
pas un temps bien long avant qu'on ne parle à nouveau et pour de
vastes projets de ces deux frères infatigables, qu'a toujours unis
la plus tendre et touchante affection.
C'est d'ailleurs le vœu que forment leurs amis, et ils sont légion.
R. CHANOINE-DAVRANCHES.
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