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L’Ouest-Eclair» du Dimanche 5 novembre 1939 |
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DEUX
MAITRES DU RÊVE AU PAYS MALOUIN |
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---- ---- J'ai rendu visite aux frères Isola dans leur refuge de guerre. Pour ceux qui ne le sauraient pas, Emile et Vincent Isola sont les grands illusionnistes, mettons... des quarante dernières années. ---- C'est une villa toute simple de l'avenue Duguay-Trouin, sur les deux côtés de laquelle se forme un tapis mordoré chaque jour plus épais. ---- L'automne : on en a également la vision par la fenêtre de cette petite salle à manger ouvrant sur le jardin, où je retrouve les deux frères. Dans le fond de la pièce, tandis que nous bavardons, une maman et son petit garçon bien sage attendent une consultation. Car les Isola partagent leur gite avec un médecin de leurs amis et la salle à manger est aussi la salle d'attente. |
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Drôle de jeudi pour le petit garçon; alliance cocasse que
celle-ci de la médecine et de l'illusion. |
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---- Au contraire, le temps et les cheveux gris leur ont conféré une autorité et une distinction nouvelles et ajouté à leur esprit. ------ Cette seconde carrière s'est ouverte sous les auspices les plus flatteurs. Le tout Paris s'est pressé à nouveau à leurs séances et s'est senti un nouveau goût pour leur art. | ||||||||
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Ils se sont produits à l'Elysée et dans les grands cercles
et ont retrouvé tous leurs amis. Ils achevaient leur tournée
annuelle des plages cet été lorsqu'est survenue la mobilisation. ---- Ils sont revenus à Paramé où Emile Isola passait ses vacances depuis de nombreuses années. ---- Car, particularité amusante, l'équipe se disloque d'habitude à cette époque. Vincent s'en va vers la Riviera. Hélas, les événements de ces dernières semaines ont allongé les vacances et prolongé l'inaction de nombre d'artistes. ---- Ceux-ci ont eu la consolation de retrouver, à quelques pas de leur domicile provisoire le bon Charles Martinelli, habitué de Paramé dès l'âge le plus tendre. Il avait été Néron dans Quo Vadis, chez eux autrefois. Il s'est repris à les appeler « patrons ». ---- Et c'est ainsi que s'est tramée l'organisation qui, dimanche, va permettre aux Malouins d'applaudir un programme sensationnel et de faire une bonne œuvre. Les Isola participeront, à une double bonne action qui leur vaudra bien des gratitudes en un moment où la réalité oppresse le rêve |
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L’Ouest-Eclair» du Dimanche 5 décembre 1939 |
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L’ART
AU SERVICE DE LA BIENFAISANCE |
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![]() Hôtel de ville se Saint Malo |
---- Il y a quelques dimanches, l’Art en la personne des artistes réfugiés dans notre région, était au service de la bienfaisance dans la salle des fêtes de l’hôtel de ville de saint Malo. Mais c’étaient des artistes en quelque sorte privilégiés qui offraient généreusement leur temps, leur talent, leur peine pour leur camarades menacés de misère. | |||||||
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Hier, à Paramé, nos artistes se dépensaient
sans compter pour ceux du front, ceux qui, arrachés à leur
labeur, à leur famille, font le guet dans l’Est déjà
froid ou dans le Nord brumeux. |
![]() Mairie de Paramé |
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Lorsque les frères Isola
parurent, ce fut une heure enchantée.Quel magnifique
exemple de conscience artistique et quel talent ils prodiguent avec une
allure d’élégance bien française. D’emblée,
ils entrent en communication sympathique avec leur public sans que toutefois
celui-ci puisse percer les secrets de leurs maîtrise sans boniments. |
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---- Je regrette d’employer le mot,
les deux admirables artistes savent retenir l’intérêt,
provoquer le rire, l’étonnement, tenir les spectateurs sous
le charme. Leur aisance déconcerte et leur variété
est inouïe. On perd la notion du temps à les voir opérer
sans relâche. Ils sont égaux à eux-mêmes et à leur incomparable carrière. Les frères Isola, qui étaient gracieusement aidés dans leur présentation par Mlle Yvette Louvet, et accompagnés par Mme de Flandre, la talentueuse pianiste que chacun apprécie sur la côte, elle eut sa part des succès de dimanche malgré la discrétion de sa position de scène, ont fait leurs adieux à la cité d’accueil ; Nous leur disons qu’au revoir, persuadé que nous sommes de les revoir bientôt et toujours aussi pleins de verve. Hélas, et pour en revenir au spectacle, il fallait qu’il prenne fin. ---- La salle se vidait lentement, les spectateurs applaudissaient debout et par rafales les deux gentlemen en habit qui joignaient à un talent unique une charmante simplicité. ---- Dehors, on pouvait croire que la séance d’ombres chinoises d’Émile Isola continuait ou bien que les deux habiles frères avaient réussi à faire disparaître les lumières de Paramé. |
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