LES ISOLA

 

Liberté le 8 octobre 1936

 


l'Opéra-Comique aux alentours de 1900


On m'avait dit : « Les Isola sont ruinés » ; on me l'avait assuré : je ne l'avais pas cru. Je suis bien obligé de le croire, aujourd'hui qu'ils ont repris leur première profession sur la scène de l'un de nos music-halls, devant le Tout Paris auquel ils appartiennent toujours et auquel ils appartiendront jusqu'à leurs derniers jours, ou jusqu'aux derniers jour du Tout Paris lui-même... On ne sait jamais... Par les temps que nous vivons.
Dans quelques jours, donc, nos fils pourront applaudir des illusionnistes du nom d'Isola, que nous avions applaudis nous-mêmes il y a une trentaine d'années. La prestigieuse carrière qu'ils ont aujourd'hui derrière eux, les attendait alors. Ils allaient être, ils ont été, les directeurs heureux de quelques-uns de nos plus beaux théâtres : de l'Opéra-Comique, de Sarah-Bernhardt, de Mogador. Nous conterons cela à nos fils en regardant Vincent escamoter son frère.
Quelle leçon dans cette destinée, qui, au reste, nous réserve peut-être encore des surprises ! Et quelle leçon nous donnent ces deux hommes ! Car il faut, voyez-vous, dirons-nous à nos enfants, du cran, du courage, une singulière bonne volonté pour faire ce qu'ils font aujourd'hui.

Quelle leçon dans cette destinée !
Leur fortune, leur succès, les frères Isola les devaient à leur travail, à leurs dons d'animateurs, à leur connaissance du public, à leur audace ; ils les avaient, par conséquent, gagnés et mérités. Un coup de crise les leur enlève. Quel illusionniste que ce Paris dont ils ont fait courir les foules pendant des mois, pendant des années à ce théâtre Mogador qu'ils avaient relevé, qu'ils avaient remis en vogue en y montant des spectacles qui, pour n'être pas, à mon sens du moins, ce que l'on peut concevoir de mieux, n'en étaient pas moins de nature à relever le goût du grand public... Rose-Marie, l'Auberge du Cheval Blanc, Mandrin


Le théâtre Sarah Bernhardt en 1900

Un coup de baguette magique, mais de magie noire, et voilà nos deux frères redevenus ce qu'ils n'avaient plus été depuis trente ans.
Et comment ne pas songer aux millions que ces deux inséparables prestidigitateurs firent sortir de leurs caisses au bénéfice des pauvres, entre les Capucines où ils débutèrent, et l'A.B.C. où ils recommencent... L'Assistance publique sait que ce n'était pas là de... l'illusion.

DURTAL.