LE JOURNAL
6 /02/1904
 
 
Source Gallica
     
 
 
 

           On n'a jamais rien perdu pour attendre. Une fois de plus, ce vieux dicton se confirme, et c'est la Revue des Folies-Bergère, que les Parisiens attendaient impatiemment depuis près d'un mois, qui vient d'en démontrer la véracité.
        Je sors du merveilleux music-hall de la rue Richer sous l'impression du plus singulier sentiment d'admiration ; tous les clichés habituels sont usés pour exprimer la stupéfaction ravie où nous a plongés le spectacle inouï que les frères Isola viennent de donner, et qui est dû à l'original et souple talent de Victor de Cottens et à la collaboration du maestro Patusset de Curti, chorégraphe sans pareil ; du décorateur Ménessier et du spirituel dessinateur Gerbault, qui a inventé les costumes.
       Comment raconter les quinze tableaux dont se compose la féérique Revue des Folies-Bergère?
      La page entière du Journal n'y suffirait pas, ce serait déflorer des scènes exquises pu exhilarantes de la poésie la plus magique ou de la gaieté la plus abracadabrante. Mais ce ne sera étonner personne que de dire que jamais une revue n'a comporté autant de vedettes, autant de numéros, autant de clous qui attachent les bravos du public. Des noms? Méaly, dont la voix roucoule délicieusement ; Danerey, chanteuse et danseuse a la fois : chanteuse comme il y en a peu, danseuse comme il n'y en a pas ! Et Galipaux, compère qui répand la joie à pleins gestes : et Jane Derval, petite commère adorablement Parisienne, mutine et malicieuse, qu'il faut d autant plus louer qu'elle a appris son rôle en trois jours. Et Jane Yvon, incomparable dans son imitation de Lavallière ; et Fragson l'inimitable ; et Maurel, si extraordinairement farce; et Loulou Mabel, si belle qu'elle est presque trop belle, puisqu'elle a aussi le don de l'harmonie ; et Maria d’Hervilly, ravissante et énervante : et Rita Porcher, sculpturale, et je ne sais combien de jolies, d'exquises petites étoiles. J'allais oublier la triomphante Troupe Price, qui n'a pas sa pareille, et les mignonnes Piecaninies. Et, maintenant, je ne veux rien dire des tableaux qui composent la Revue des Folies-Bergère : je ne parierai ni du « Grand Ballet », — une surprise de drôlerie et de cocasserie : ni du « Palais du Succès », ni du « Joyeux Train » ni des « Lotas », ni… de rien.
         Allez voir la Revue des Folies-Bergère, si toutefois, vous trouvez de la place dans le théâtre des frères Isola, pour assister au spectacle le plus merveilleux de l'année.

- Voir programmes revue du 30/11/1901 e t du 3/06/1902