Source Gallica

1/08/1934

 
   

                     Mme Cécile Sorel doit débuter le 15 septembre place du Châtelet, soit dans Sapho, soit dans Anna Karénine. Les frères Isola sont de passage à Paris. Pour nous entretenir avec eux, entre deux randonnées en automobile, nous aillons faire appel à une vieille et fidèle amitié. La porte de leur bureau directorial du Théâtre Sarah-Bernhardt s'ouvre donc devant l'ami. Emile et Vincent sont assis l'un en face de l'autre ; nous prenons place sur un siège entre les deux directeurs. Sur le bureau, un monceau de correspondance, et au mur une superbe et longue maquette de l'affiche des Variétés qui porte la brillante distribution, de la revue de Rip. Empressons-nous de la copier, chaque interprète ayant la place qui lui est assignée. Nous notons Dorville, Marguerite Moreno, Pauley, Arletty, Edmond Roze et Gabaroche puis Huguette Grégory, Carlos Conté, Renée Varville, Suzy Leroy, Paul Dullac, Duard fils, les Blue Kellly Girls (remarquées au bal des Petits Lits Blancs), Dany Loris, Rhéan et, en vedette américaine, Loulou Hégoburu.
         En contemplant l'affiche de cette revue que les frères Isola vont présenter avec M. Max Maurey, nous nous rendons compte du surcroît de travail qu'un tel spectacle va occasionner aux deux directeurs qui, parallèlement, doivent présider aux destinées du Théâtre Sarah-Bernhardt et du Théâtre Mogador,
C'est ce surcroît de travail qui a poussé les frères Isola à prendre une grande décision en ce qui concerne la scène de la placée du Châtelet.
- La saison prochaine, nous déclare Émile Isola, nous aurons comme collaborateur, et directeur artistique du Théâtre Sarah-Bernhardt, M. Lucien Rozenberg.
— Ce choix est excellent.
— D'autant plus, ajoute Vincent Isola, que nous avons toujours reconnu en M. Lucien Rozenberg un comédien du Boulevard et un artiste éminemment classique. A nos côtés, place du Châtelet, nous aurons donc Lucien Rozenberg comme directeur artistique, notre cher Perronnet sera toujours l'administrateur général, et notre fidèle Henry Klotz, conservera ses fonctions de secrétaire général.
— Et vos projets?
Une rentrée de Cécile Sorel
Émile Isola prend la parole.
— La réouverture s'effectuera le 15 septembre avec une série de représentations de Mme Cécile Sorel. Nous estimons que la grande artiste trouvera au Théâtre Sarah-Bernhardt le cadre qui lui convient le mieux, et dans cette salle elle pourra déployer ses admirables qualités dramatiques.
— Dans -quelle pièce fera-t-elle ses débuts?
— Il est question de Sapho ou d'Anna Karénine. Après cette série de représentations, Mme Cécile Sorel entreprendra la tournée que vous avez annoncée, et nous espérons bien que dans là suite elle reviendra jouer chez nous. -
         M. Vincent Isola nous parle ensuite de leur nouveau collaborateur M. Lucien Rozenberg.
        - Nous sommes ravis, nous dit-il, de travailler avec ce vieil ami, dont, depuis longtemps, nous avons apprécié les efforts. C'est un comédien très précieux pour des directeurs, et nous sommes heureux de vous annoncer qu'après les représentations de Mme Cécile Sorel, il créera place du Châtelet une œuvre inédite avec Mme Madeleine Soria, et cette grande artiste, douée d'une si frémissante sensibilité, restera comme à l'Athénée la fidèle collaboratrice de son mari.
          On frappe à la porte. C'est le chauffeur; qui vient annoncer que la voiture est prête. N'abusons pas des moments des deux directeurs de passage dans la capitale. Timidement, nous glissons :
— Et Mogador?
— A Mogador, déclare Émile Isola, il n'y aura pas de clôture annuelle.Nous voulions arrêter l'Auberge du Cheval-Blanc, les recettes nous en empêchent. Le 7 septembre, on reprendra La Vie parisienne avec Oudart, Dréan, Laverne, Saint-Bonnet, Danièle Brégys, Rose Carday, Hélène Regelly, puis ce sera la création de Mandrin, livret de Rivoire et M. Romain Coolus, musique de Szule avec Fanny Heldy, le ténor Jouatte et Marcel Carpentier.
          Nous entendons le moteur de la voiture des frères Isola qui tourne au ralenti avenue  Victoria. Souhaitons bonnes vacances et surtout du repos à ces deux grands artisans du spectacle, qui servent si merveilleusement l'art dramatique.              J. DELINI