LE
JOURNAL DU 11 OCTOBRE 1899
Ce n'est pas à une réouverture,
mais à une véritable inauguration que nous venons d'assister
; car, d un coup de leur baguette magique, les frères
Isola ont entièrement transformé l'ancien music-hall
du boulevard des Capucines et fait surgir une salle nouvelle, resplendissante
de lumières et d'or.
L'aspect
est absolument merveilleux, et nous avons tous pousse un cri de surprise
et d'admiration devant le féerique décor qui se déroulait
à nos yeux.
Le couloir d'accès, surélevé de cinq marches, est
maintenant de plain-pied avec la salle et le promenoir, de sorte que,
dès l'entrée on aperçoit d'un coup d'œil toutes
les splendeurs de la salle nouvelle, en même temps que le spectacle
qui se passe sur la scène.
Et ce sont, de tous côtés,
des milliers de globes lumineux serpentant le long des promenoirs et
des galeries ; des draperies bleues encadrant les loges et de somptueuses
avant-scènes, des tapis moelleux, de confortables fauteuils en
laqué blanc et velours bleu, des peintures claires et gaies qui
créent une atmosphère de luxe, de joie et de bien-être.
Il n'était pas facile de trouver un programme digne de ce cadre
enchanteur; les frères Isola y ont pourtant
réussi, et le spectacle de la scène est aussi attrayant
que celui de la salle.
Parmi les douze numéros
qui précèdent le grand ballet, il faut citer surtout :
l'Américain Bertimpool avec ses chiens et ses
chats savants, dont le dressage est vraiment extraordinaire ; les Miles
Stavordale, joueurs de banjo, dont les instruments donnent
tout à fait l'illusion de la voix humaine ; le ventriloque Segommer,
qui joue et parle, à lui seul, tous les personnages d'une pièce;
le quintette des sœurs Delina, dans leurs chants
et leurs danses viennoises; l'élégante gommeuse Lydia
; la belle Pépita, dans ses danses espagnoles
; l'équilibriste Arnessen ; les bicyclistes
Paulton et Doley.
Après une scène mimée, l'Amour Bohème, où
triomphent Mlle Émilienne d'Alençon et
Miss Julia Seale, de l'Alhambra de Londres, voici maintenant
le clou de la soirée : les Mille et une Nuits, le grand ballet
féerique de MM. Max Maurey et Augustin
Thierry, qui termine le spectacle dans un véritable
enchantement.
Les décors sont superbes,
les costumes étincelants, et les interprètes charmantes,
car les frères Isola ont choisi les plus
jolies
femmes de Paris : Suzanne Derval, Louise Willy,
Rose Demay, Gaby Carter;
Mlle Lina Campana y déploie sa grâce exquise
et son incomparable légèreté, et le mime
Thalès
son
grand talent. Le livret est fort ingénieux, très habilement
mis en scène, et la partition fait le plus grand honneur à
M. Hirschmann.
Les Mille et une Nuits
clôturent brillamment un délicieux spectacle, dans le cadre
le plus merveilleux.
F. M.