|
|
|
~
A LA
GAITÉ ~
Les frères Isola ont été
illusionnistes, et ils veulent qu'on s'en souvienne. Ils achètent
un théâtre d'opérette... Pan! Ils annoncent sa transformation
en théâtre de féerie...
Le Châtelet tremble! Sans motif, car aussitôt les Isola annoncent
qu'ils ne joueront que des revues... Encore des revues ! s'écrie-t-on...
Pas du tout ; la salle municipale abritera le drame lyrique : on y lancera
des jeunes... La pièce d'ouverture sera La
Juive, d'un débutant qui s'appelle Halévy.
Ensuite,
Hérodiade,inconnu de talent
du nom de Massenet ; puis, au son de la musique de M.
Lambert, La Flamenca viendra
danser un tango.
On ne s'éternisera pas là-dessus,
d'ailleurs. Allons, passez muscade. Voici un changement à vue et
l'apparition du drame historique, avec panache et coups d'épée,
sous la direction de M. Hertz, le bon ami de Jean
Coquelin. Laissez-moi vous le dire à l'oreille : cette
direction se trouvera inaugurée par une pièce
nouvelle dont on dit le plus grand bien. C'est Cyrano
de Bergerac, avec Coquelin comme
principal interprète.
Mais, les Isola aidant, on
n'y aura vu que du feu... Allons, passez, muscade!
|
|
|
|
|
|
MARDI.
Un des membres de leur famille étant mort,
MM.
Isola viennent de fermer, pour un soir, deux des établissements
de plaisir les plus fréquentés de Paris; tous les journaux
l'annoncent. Sur le boulevard, ce doit être un événement
!
MM. Isola, ne sont encore directeurs que de l'Olympia,
des Folies-Bergère et du théâtre
de la Gaîté, mais ils ont de plus grandes ambitions,
ils veulent avoir l'Opéra. Cela nous
promet d'autres relâches.
Hérodiade, à la Gaîté,
Mme Calvé, Renaud, engagés
à des
conditions « américaines », la mise en scène,
qui sera, dit-on, faramineuse, ne sont là que pour faire songer
à MM. Isola, au cas où M. Gailhard viendrait
à manquer. La saison de la Gaîté coûtera très
cher aux directeurs des Folies-Bergère. Peu leur importe ! Ils
veulent l'Opéra.
Qui aurait dit que les prestidigitateurs
de la petite salle du boulevard des Capucines deviendraient de si gros
personnages? Des Capucines à l'Opéra,
il y avait plus loin qu'il ne semble, malgré que du plus petit
au plus grand théâtre de Paris, il n'y ait pas quatre cents
mètres. L'Olympia était en face, ils y sont entrés
d'abord. Avant de mettre en
scène un ballet de M. Duvernoy
ou un opéra de Saint-Saëns, ils se sont essayés
avec ballets de Ganne et revues à grand spectacle
des fameux Blondeau et Monréal
ou des non moins fameux Cottens, Gavault
et Cie.
Dans son dernier album, Sem
a dessiné MM. Isola entre le marquis de Modène,
le prince Troubetzkoy (sculpteur),
M. Jacques Lebaudy
et M. Bocher — qui est doyen des abonnés
de l'Opéra, comme on est président à la cour ou sénateur.
Sem ne l'a fait, sans aucun doute que pour montrer à quel point
les célèbres frères font corps avec ce grand Paris
de cinq cents personnes — toujours les mêmes pendant une période
de dix ans! — qui mènent grand bruit, risquent les coups
dont on aime à s'émerveiller, domptent la chance, bravent
la guigne et ne sauraient manquer une réunion de courses ou certaines
premières, sans que cette réunion, cette première
manque d'un point, d'une petite tache, qui la fait moins parisienne.
Offrant sur une de leur scène Hérodiade
avec la divine Calvé ; sur une autre, le Looping
ou la Flèche humaine et, sur une
troisième, Mlle Otero, ou des lutteurs turcs,
les frères Isola— dont les cheveux noirs, le teint bis, faisaient
penser les premiers temps à quelques riches planteurs du Colorado
en partie de plaisir à Paris, — les frères Isola sont
des personnages très « sensationnels
».
A quelque jeune Persan qui voudrait s'instruire
de Paris, il lui faudrait expliquer les frères Isola, comme on
voudrait lui faire approcher Mme Greffühle, le faire
assister à une soirée de Mme Madeleine Lemaire,
lui montrer Rochefort, le conduire applaudir Sarah,
Réjane et Coquelin, et le promener
à Bagatelle, un jour où Santos- Dumont
opère.
Les
États-Unis ont leurs rois du pétrole, du porc, de l'or,
de l'acier; nous avons l'Empereur du Sahara, mais nous avons aussi les
rois du portant, les trusters du théâtre : les frères
Isola. C'est un signe des temps!
|
|
|