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AVANT-PROPOS
DE L'AUTEUR
Qui connaît des personnes
capables de passer par la direction de huit théâtres et salles
de spectacles parisiens, et même à un moment, d'être
simultanément à la tête de trois d'entre eux ?
Et, si ces théâtres
aux noms prestigieux se nomment : LES CAPUCINES, PARISIANA,
LES FOLIES BERGÈRE, L'OLYMPIA,
LA GAÎTÉ LYRIQUE, L'OPÉRA
COMIQUE, SARAH BERNHARDT et MOGADOR,
on en reste bouche bée et on ne peut imaginer que ces personnes
soient issues de "Notre Algérie". Et c'est pourtant le
cas ! Mais quelle est leur relation avec l'ALMA ? Bien
qu'elle soit lointaine, elle est bien réelle !
En effet,
nés à BLIDA, ce sont les grands-oncles
de Paul LOUBET, viticulteur à l'ALMA.
Tous les Alméens connaissaient sa famille établie à
l'ALMA depuis 1945, son épouse Mireille, ses quatre
garçons : Pierre, Jean-Louis,
Claude et Hubert, ainsi que ses beaux-parents
Marius et Marie BREST.
Au risque
de froisser la légendaire modestie de mon père Paul, où
qu'il se trouve à présent, je pense qu'il me pardonnera
sûrement d'avoir commis ce texte à propos de ses grands-oncles
Émile et Vincent ISOLA, ne faisant
que répondre à l'amicale et pressante éniéme
demande de notre président de l'association L'ALMA
- L'ALMA-MARINE - LE CORSO.
L'histoire entre l'Algérie
et la France, ou ce qu'il en reste, a toujours été dure
et difficile au départ, puis agréable et productive, et
enfin, catastrophique dans bons nombres de cas, comme l'évolution
des espèces vivantes.
C'est ce qui est arrivé à nos deux jeunes compatriotes,
partis en douce, la fleur au fusil. Les débuts sont difficiles
et décourageants, puis c'est l'éclatante réussite
à force d'acharnement, et en bout de course, comme dans un mauvais
film, la chute, la misère, la déchéance, l'oubli
et l'ingratitude de tous ceux qu'ils avaient aidés et encouragés.
Et enfin, la mort et le cortège funèbre de quelques artistes
et personnes moins ingrates, qui se souvenaient de ce qu’ils leur
devaient...
Que dire d'une vie qui, partie du bas de l'échelle, voit une ascension
lente jusqu'au sommet, puis une chute brutale, non prévisible,
et quelques soubresauts pour se raccrocher ?
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L'histoire commence place d'Armes à BLIDA, dans la famille
d'un tailleur, né à TORRE DEL GRECO, près de NAPLES
: Antoine ISOLA, marié à Joséphine BELVISO, originaire
de l'île de PANTELLARIA. Ils ont sept enfants, trois filles et quatre
garçons. L'aînée Maria décédera à
quatorze ans, la deuxième fille, Vincente, mon arrière-grand-mère
est l'épouse de Pierre LOUBET. La troisième, Louise Marie,
mariée à un militaire de métropole, partira pour
les Ardennes. Leur quatrième enfant, Jean-Baptiste, engagé
dans les Spahis, a été massacré par les touaregs
avec ses compagnons de la Mission FLATTERS, en janvier 1881. Le colonel
FLATTERS fut lui-même décapité et brûlé.
Les cinquième
et sixième sont Émile et Vincent.
Le dernier, Salvador, décède à 30 ans en 1896.
En 1873, Antoine se retrouve veuf à 47 ans, avec la charge de deux
filles et quatre garçons, dont Émile, 13 ans et Vincent,
11 ans. Pour que ces deux garçons se débrouillent rapidement
et sûrement, il leur fait suivre un apprentissage de mécanicien
pour l'un et de menuisier pour l'autre. Ces formations leur sont utiles
pour bricoler, et monter des tours de passe-passe nécessaires à
la prestidigitation. Enfants, ils avaient vu dans le café paternel,
des physiciens qui exécutaient des tours; ils avaient alors pris
goût à ces exercices ingénieux, tours de magie, escamotages.
Ils s'étaient perfectionnés en demandant leurs secrets à
l'un ou à l'autre de ces magiciens de rencontre. Ils suivaient
avec beaucoup d'intérêt les prestidigitateurs itinérants
comme BOSCO.
La vingtaine
d'années sonnant pour l’aîné, ils partent pour
"la France", comme on disait alors, afin de tenter leur chance
dans le spectacle.
Après
une étape à MARSEILLE, où ils exercent à la
fois les métiers de menuisiers et de prestidigitateurs, ils font
un séjour chez leur soeur aînée Louise, à VOUZIERS
dans les Ardennes. En mai 1880, les frères ISOLA arrivent à
PARIS, où ils sont embauchès par M. MOREL, entrepreneur
en menuiserie, rue Charles V, pour travailler sur le chantier de construction
du Crédit Lyonnais, boulevard des italiens. À PARIS, ces
hommes, qui devaient un jour brûler tant de planches, commencèrent
... par en raboter !
Ils ne rabotèrent pas longtemps. Dès 1881, Émile
et Vincent louent la Salle LANCRY pour y représenter
leurs tours.
C'est un tel ratage, que les deux frères apposent, dans les couloirs
menant à la Salle, un panneau ainsi rédigé : "Messieurs
ISOLA font savoir que les sifflets sont considérés comme
des applau¬dissements".
Un beau soir, sans travail et sans le sou, ils sont contraints de passer
la nuit à la belle étoile, et de coucher dans un square,
sur un banc. C'était le square des Arts et Métiers, faisant
vis à vis à la GAÎTÉ LYRIQUE. Sous la voûte
des étoiles, ils rêvent de ce théâtre, et font
un songe de conte de fées : " le théâtre resplendissant
de lumières, retentissant de célestes harmonies".
Fort heureusement, ils ne rêvérent pas complètement
cette nuit-là. En effet, ce théâtre, qui les couvrait
de la courtepointe de son ombre, ils en seraient bien les directeurs,
vingt ans plus tard.
En 1886,
les frères ISOLA sont engagés pour quelques années
aux FOLIES BERGÈRE, tournées en province : BORDEAUX, TOULOUSE,
MARSEILLE, GRANDCAMP (Calvados), DINARD, JERSEY,… etc. Émile
et Vincent retournent en Algérie, où ils présentent
à BLIDA leurs numéros de prestidigitation, puis nouvel engagement
aux FOLIES BERGÈRE, à leur retour à PARIS.
A partir de 1892, ils prennent la Direction de la SALLE
DES CAPUCINES qui va être rebaptisée THÉÂTRE
ISOLA.
En 1896, les frères ISOLA font breveter un appareil de leur invention
: l'Isolatographe, appareil racheté par le cinéaste
et illusionniste Georges MÉLIÈS.
On voit partout leur double silhouette : Vincent fier, cambré,
le haut de forme luisant, la lorgnette à l'oeil; Émile courbé,
réfléchi, méditatif; le premier semble le bras, le
second, la pensée. C'est un excellent attelage. On essaierait en
vain de les "désiamoiser".
Le 1er juin 1899, leur père Antoine est arrivé
à PARIS pour être présent à leurs mariages
respectifs, célébrés le même jour, dans le
15ème arrondissement, et pour visiter l'Exposition Universelle
qui a débuté le 6 mai.
En octobre 1903, ils se rendent en catastrophe en
Algérie, afin de fermer les yeux de leur père Antoine
ISOLA, à qui ils devaient beaucoup.
En octobre 1903, ils se rendent en catastrophe en Algérie,
afin de fermer les yeux de leur père Antoine ISOLA,
à qui ils devaient beaucoup.
De multiples Directions de théâtres s'ensuivent, avec toute
une pléiade d'artistes.
- 1897
: Achat de PARISIANA: genre revues d'artistes en tous
genres.
- 1898 : L'OLYMPIA en plus : artistes de cirque (dresseurs,
contorsionnistes et jongleurs,...).
- 1902 : Ajout des FOLIES BERGÈRE : nombreuses
revues bien plus légères et court-vêtues.
- 1903 à 1913 : Direction fructueuse et reconnue (Ils sont faits
Chevaliers de la Légion d'Honneur) de la GAÎTÉ
LYRIQUE, avec représentations d'oeuvres telles
que "Le Barbier de Séville", "Les cloches de Cornevilles",
"Don Quichotte" ...
- 1913 à
1925 : Ils sont nommés par le ministre, Directeurs avec Albert
CARRÉ de l'OPÉRA COMIQUE, opéras
classiques récompensés, en 1922 et 1924, par une promotion
au titre d'Officiers de la Légion d'Honneur.
- De 1926 à 1936 : Ils dirigent en parallèle deux théâtres
: MOGADOR et SARAH BERNHARDT, qui acquièrent
grâce à eux et à leur action, de très bonnes
réputations. C'est dans ces deux théâtres que furent
crées nombre d'opérettes qui allaient devenir célébres
: Rose-Marie, Nono Nanette ("tea for two"), l'Auberge du Cheval
Blanc, et beaucoup d'autres...
Au cours de leurs
différents postes de Direction, ils engagent ou côtoient
de nombreux artistes très connus, tels que : ARLETTY, CHARPIN,
Max DEARLY, Victor
FRANCEN, Jeanne FUSIER-GIR, Sacha GUITRY, Yvonne PRINTEMPS, l'écrivain
COLETTE, alors danseuse nue aux FOLIES BERGÈRE, des compositeurs
comme Jules MASSENET, très attaché à la GAÎTÉ
LYRIQUE, et tant d'autres célébrités des Arts et
du Spectacle.
La crise de 1936 et le second théâtre SARAH BERNHARDT,
plus coûteux
à entretenir que MOGADOR et plus difficile à gérer
par la faute des contraintes imposées par la ville de PARIS, entraînent
la faillite des deux salles, mais également du THÉÂTRE
ISOLA.
À partir de cette date de 1936, et jusqu'en 1943, ils sont obligés,
à 74 et 76 ans, de reprendre leur premier métier de prestidigitateurs,
dans de nombreuses salles parisiennes : l'ABC, l'ÉTOILE, le THÉÂTRE
PIGALLE, le CIRQUE MÉDRANO, et de prolonger tout cela, par de nombreuses
tournées en province.
En 1943, Pierre ANDRIEU
publie un livre chez Flammarion, intitulé : SOUVENIRS DES
FRÈRES ISOLA. CINQUANTE ANS DE VIE PARISIENNE,
après avoir écouté le récit de leur vie, leurs
souvenirs personnels et professionnels, avec de nombreuses anecdotes à
partir de leur métier de Directeurs de tant d'établissements
artistiques et lyriques.(note)
"Deux"
était leur chiffre, des jumeaux ou presque : deux ans d'écart
entre leurs naissances, mais également entre leurs morts, respectivement
à 85 ans l'un et l'autre, deux épouses chacun, cependant
Vincent, à 73 ans, casse ce nombre par un troisième mariage
en 1935 !
L'histoire s'achève en 1945 pour Émile, et en 1947 pour
Vincent. Ils reposent ensemble au cimetière des Batignolles à
PARIS.
POSTFACE
Je suis maintenant
apaisé et heureux d'avoir pu les faire revivre par ce texte, et
ils me sont devenus de plus en plus proches grâce à mon site
: http://claude.loubet.free.fr/
intitulé : " les brillants frères Isola",
que je complète assidûment depuis plus de 10 ans !
1. On peut lire les six premiers chapitres de ce livre
sur un site canadien fort bien fait, à l'adresse :
http://www.www.dutempsdescerisesauxfeuillesmortes.net/fiches_bio/isola_freres/isola_freres.htm
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