TOUTE LA TROUPE

Fiction comico-satyrique écrit par Henri Sébille en 1903
extraits du texte en italique bleu


---- 1902, Guillaume II, empereur d’Allemagne, s’ennuie, pas de guerre en vue, un handicap qui le ronge. Son entourage ne sait comment lui redonner de l’entrain.
---- Avec une gigantesque garde-robe, il passe son temps à changer d’accoutrement. C’est trop peu pour le souverain d’un pays si conquérant pour l’époque. Son oncle Edouard roi d’Angleterre et d’Ecosse, Empereur des Indes et Grand Maître du Transvaal, son cousin Léopold de Belgique, ne l’intéressent plus beaucoup malgré leurs visites.
---- Un beau matin, il se persuade qu’être Empereur, ce n’est pas dû au hasard, il doit avoir un don caché. Très vite, il semble convaincu d’avoir la fibre artistique et décide de monter une pièce dont il serait le héros, l’auteur et le metteur en scène.

---- La Scène parisienne est fort prisée en ce début de siècle. Pour se faire aider, Guillaume convoque une pléiade de directeurs parisiens. C’est le cas de Clarétie administrateur de la Comédie Française, Fontanes, Charlot, Marx, Porel, Debruyère (ancien directeur de la Gaité) et des frères Isola. Waldeck-Rousseau est chargé d’engager les comédiens français.Les directeurs sont décrits en exagérant leurs travers. Tous se retrouvent dans le même train pour Postdam. Durant le parcours ils échangent quelques aigreurs basées sur les histoires du spectacle de l’époque à

Paris. En grande discussion et impatients de savoir ce que l’Empereur leur voulait l’auteur enchaîne :
---- Emile Isola que cette conversation n’amuse pas, puisque personne n’est jamais de son avis, voudrait bien profiter du voyage, pou gagner quelques sous, aussi a-t-il essayé de proposer un petit bonneteau.
« - Sacré nom de Dieu, f’tez nous donc la paix, avec votre jeu, lui a crié de son coin Debruyère. Nous discutons une chose capitale, qu’est-ce que vous venez nous embêter avec vos parties.
--- Le croisement brutal d’un train réveille tout ce monde car Debruyère se prend un malencontreux coup de tête- de Clarétie se met à crier à tue-tête :
« Imbéciles, faites donc attention, vous me foutez le rideau sur la gueule ! »
Et s’apercevant de la bévue :
« Je vous demande pardon, mon cher Clarétie, je croyais que mes machinistes faisaient des blagues »

---- L’œil vert de Porel et l’œil de verre de Marx s’entr’ouvrent. Le regard d’Isola, attiré par la fixité de celui de Marx s’arrête sur cet œil immobile.
Il veut essayer de le magnétiser et de lui suggérer l’idée de payer à dîner à tout le monde.
---- Tout le monde est inquiet pour Clarétie qui pense avoir perdu son nez dans le choc, tout le monde sauf Isola :
---- Isola, seul, reste imperturbable. Le regard toujours fixé sur l’œil de Marx, il semble vouloir explorer les profondeurs de son âme, mais l’ex-directeur de Cluny ne bouge pas. Isola en est pour ses frais ; le sujet ne marche pas.

---- Il se rejette sur les autres directeurs et alternativement son regard se fixe sur chacun d’eux.
---- Alors, comme mus par un ressort, tous sortent de leurs poches leur porte-monnaie et leur montre et les tendent au promoteur du trust des théâtres. Seul Marx n’a pas bronché, l’œil d’Isola n’a aucun pouvoir sur lui.
« Que veux-tu qu’ils deviennent, mon vieux ? Garde les montres, mais rends-leur au moins leur bourse. »
« Mais je ne leur rien pris, ce sont eux qui me les ont donnés.
Il hésita un peu et continua :
« Ça ne fait rien, tu as raison, il vaut mieux tout de même la leur rendre. »
« A la condition qu’ils paient à déjeuner » confirma Marx.
Isola serre affectueusement la main de son complice.
« Ah ! Je savais bien que tu la connaissais aussi, la doctrine d’Israël »

---- On notera l’allusion antisémite, propre à l’époque et basée sur une fausse rumeur.
---- Le récit délirant continue jusqu’à la représentation de la pièce mais après réflexion le titre aurait pu être :
« L’aigle c’est moi ! » comme celui de la représentation ou « Comment la France a failli récupérer l’Alsace et la Lorraine ».